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bien d’habits et de chapeaux. Nos désirs n’ont pas de limites précises ; tout ce qu’on peut dire c’est qu’à mesure que nous sommes plus abondamment pourvus d’une substance, le besoin que nous en sentons s’affaiblit dans une certaine mesure. Un verre d’eau dans le désert, ou sur le champ de bataille, peut sauver la vie, et devient d’une utilité infinie. Une personne a besoin de deux ou trois pintes par jour pour sa boisson et pour sa cuisine. Il serait fort à souhaiter, pour la propreté, que chacun en eût un gallon ou deux par jour ; mais nous ne tardons pas à atteindre un point où un approvisionnement d’eau plus considérable prend bien moins d’importance. On a reconnu que, pour la population d’une ville moderne, une quantité de vingt-cinq gallons par tête et par jour suffit à tous les besoins, et qu’il ne serait guère utile d’en fournir davantage. Parfois enfin il s’en faut de beaucoup que l’eau soit utile : ainsi dans une inondation, dans une maison humide, dans une mine envahie.

l’utilité et la valeur ne sont pas des qualités intrinsèques

Une chose ne peut donc être dite utile que lorsqu’elle est fournie en temps opportun et en quantité modérée. L’utilité n’est pas, dans une substance, une qualité intrinsèque ; car, s’il en était ainsi, quelque quantité de cette substance que l’on possédât, on en désirerait toujours davantage. Nous ne devons pas confondre l’utilité d’une chose avec les propriétés physiques d’où dépend cette utilité. L’utilité et la valeur ne sont que des qualités accidentelles d’une chose, naissant de ce fait que quelqu’un a besoin de cette chose ; et le degré d’utilité, ainsi que la quantité de valeur qui en résulte, sont en raison inverse de la satisfaction qui a été antérieurement donnée à ce besoin.

Si donc nous considérons que le degré de l’utilité varie sans cesse, et qu’elle est même variable pour chacune des parties différentes d’une même marchandise, nous reconnaîtrons sans peine que nous échangeons les parties de notre propriété, qui ne présentent pour nous qu’une faible utilité, contre des objets qui, peu utiles à d’autres, sont vivement désirés pur nous. Cet échange se poursuit jusqu’au moment