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madame d’youville

perfide et plus sûre de la calomnie. On les accusa de vendre de l’eau-de-vie aux sauvages. Sotte invention, qui cependant fut bien vite accueillie et répandue. La haine allait-elle au moins s’arrêter là ? Non. On ajouta que, non contentes de vendre de l’eau-de-vie, elles s’enivraient elles-mêmes ; on leur donna par mépris le nom de « Sœurs Grises », nom que la sainte fondatrice a voulu éterniser, dit M. Faillon[1], en choisissant pour ses filles une robe dont la couleur leur rappellera à jamais cette insulte.

La calomnie devait revêtir une forme encore plus odieuse et plus perfide. On les attaqua dans ce qu’une femme a de plus cher : l’honneur. Les bruits répandus sur leur compte étaient si odieux que le gouverneur, M. de Beauharnois, plusieurs prêtres et plusieurs religieux, ne pouvant croire que toutes ces insinuations fussent inventées, finirent par y ajouter foi. Un religieux, aussi crédule, alla même jusqu’à leur refuser la communion en pleine église, comme à des créatures souillées. Quelles ne durent pas être leurs souffrances et leurs angoisses en se voyant l’objet de pareils soupçons de la part de ceux qu’elles vénéraient ? Cependant elles donnèrent à tous le spectacle d’une rare vertu, en supportant avec la plus grande douceur cette douloureuse épreuve. Les compagnes de Mme d’Youville trouvèrent dans son exemple le courage de soutenir la lutte. Dieu les

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