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lorsque son cœur, qui renfermait des trésors de tendresse et de dévouement, avait habitué les siens à compter déjà si complètement sur elle pour les mille sacrifices de chaque jour. « On ne saurait croire, » dit M. Sattin, « combien elle adoucit à sa mère la tâche d’élever sa jeune famille. »[1]

Pour avoir sitôt conquis une si large place au foyer domestique et dans le cœur des siens, il fallait que cette jeune fille fût douée de qualités supérieures. Aussi la tradition nous apprend qu’elle avait un esprit sérieux et un jugement solide. Toutes ses paroles étaient marquées au coin de la sagesse et elle ne les prodiguait pas. Elle parlait peu et pensait beaucoup, disent ses biographes. À une exquise sensibilité et à une grande douceur, qui étaient le fond de son caractère, elle alliait une volonté qui ne connaissait pas d’obstacle. Cependant cette volonté si ferme savait se plier facilement au besoin et, en femme vraiment supérieure, elle prenait volontiers conseil d’autrui, se défiant de ses propres lumières.

À toutes ces qualités morales Mlle Dufrost joignait une grande beauté. Une taille au-dessus de la moyenne, que rehaussaient encore un port noble et un grand air de distinction, en eût peut-être trop imposé, si le sourire bon et agréable d’une bouche

  1. M. Sattin, prêtre de Saint-Sulpice, arrivé au Canada en 1794, a laissé une Vie manuscrite de la Vénérable, fondée sur le témoignage des anciennes sœurs et surtout de la Mère Coutlée, qui avait été formée par la fondatrice. C’est à lui, malgré la brièveté de son récit, que nous sommes redevables des principaux traits de la vie de Mme d’Youville, puisque le premier il avait eu l’heureuse pensée de les recueillir.