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madame d’youville

ques pauvres idées ; je crois que le gros vent les emporte sur le lac Huron. Je suis assise sur le rocher ; la tête me tourne, le cœur me palpite… et cependant il me faut vous parler. D’abord, laissez-moi vous dire que le voyage est très pénible, et beaucoup plus même que je m’y attendais ; cependant Dieu me fera la grâce d’aller jusqu’au bout. Nous n’avons plus que trois portages difficiles à faire ; les autres sont nombreux, mais petits.

« Nous n’avons presque pas dormi, ma sœur Valade et moi, depuis notre départ ; nos deux jeunes sœurs s’en tirent assez bien. Nous avons presque toujours eu du mauvais temps, et quand la pluie cesse nous avons presque toujours vent contraire, ce qui nous retarde beaucoup ; quand il faut camper, nous sommes ordinairement pénétrées par la pluie ou transies de froid. Il est vrai que nous faisons un bon feu ; mais tandis qu’on brûle d’un côté, on gèle de l’autre. On dresse de suite la tente ; on étend une toile cirée par terre, une couverte par-dessus, et voilà le lit fait. Jugez si on y est fraîchement, surtout quand il a plu toute la journée. Quand il pleut la nuit, ce qui arrive assez fréquemment, notre maison de toile nous protège peu contre le vent et la pluie, et nos hardes se trouvent toutes mouillées. Malgré tout, Dieu me comble de ses grâces et j’en suis confuse… Je suis remplie de courage pour exécuter sa sainte volonté, dût-il m’en coûter bien