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même que les vêtements et les meubles les plus pauvres ; elle passait ses nuits à travailler comme sa sainte devancière et elle ajouta même de nouvelles industries à celles qui existaient dans la maison, afin de garder tous ses pauvres, malgré la famine qui éprouva la ville pendant la durée de sa charge. Elle écrivait à ce propos, le 13 juillet 1789 : « Je vous dirai que la misère est extrême dans ce pays : il est ordinaire de voir des personnes qui passent trois et quatre jours sans manger ; beaucoup ne vivent que d’herbes, comme les animaux ; la plupart n’ont pas la force de marcher, tant ils sont faibles… Je ne vous fais pas le détail de la triste situation où nous nous sommes trouvées ; je vous dirai en deux mots que la rivière a monté vingt-un pieds plus haut que son lit ordinaire, que nous étions au milieu de la rivière, avec un froid du Canada, obligées de pêcher dans l’eau le bois pour nous chauffer, sans pouvoir faire de pain, le four étant submergé… »[1]

La Mère Despins ressemblait de trop près à celle qui l’avait si bien formée pour être exempte de croix et de souffrances. Comme la Vénérable fondatrice, elle fut atteinte dans l’intime de sa famille religieuse. Une personne d’un caractère hautain et impérieux, mais protégée par M. Dufrost, avait été admise dans la communauté. Bientôt les égards qu’elle exigeait à cause de sa naissance et les préfé-

  1. M. Faillon, p. 361.