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peu recueilli ; vous avez mangé, et vous n’êtes pas rassasiés ; vous avez bu, et vous n’êtes pas désaltérés ; vous vous êtes vêtus, et vous ne vous êtes pas réchauffés. Celui qui a amassé de l’argent, l’a mis dans un sac percé. » Agg. 1, 5-6. Tout votre travail a été vain, parce que vous négligez la maison de Dieu pour bâtir les vôtres. Vous avez semé beaucoup, et vous avez recueilli bien moins que vous n’aviez semé, et vous ne pouvez pas dire pourtant que la famine est venue de ce que le laboureur a cessé de cultiver la terre. Vous avez mangé – nul de vous ne peut prétendre qu’il y a eu jeûne volontaire – et vous n’avez pas été rassasiés, parce que vous n’aviez amassé que peu de fruits dans les greniers. Vous avez bu le vin de vos vignes, mais pas assez pour qu’il portât la joie dans votre cœur et qu’il fût dit à votre sujet : « Le vin réjouit le cœur de l’homme. » Psa. 103, 15. Vous avez eu un manteau, mais il n’a pas été une sauvegarde contre le froid, et il n’a pas maintenu la chaleur. Quiconque d’entre vous, soit par un négoce, soit par une œuvre mercenaire, a réuni des richesses, a dépensé en vain un travail qui est devenu sans résultat, puisque tout cet argent s’est échappé de ses mains, comme tombe celui qu’on met dans une bourse percée.

Au sens mystique, ceux qui, étant retournés de Babylone, au lieu de rebâtir le temple de Dieu, diffèrent de jour en jour de le relever, en disant : « Le temps n’est pas encore venu de bâtir la maison du Seigneur », et qui, n’étant plus captifs, ni encore en pleine liberté, sont retenus dans une sorte d’état intermédiaire, – ceux-là ont semé beaucoup et ils ont peu recueilli ; ils ont mangé, et ils n’ont pas été rassasiés ; ils ont bu, et n’ont point été désaltérés ; ils se sont couverts, et ils n’ont pas été réchauffés ; ils ont amassé des richesses, et ils les ont perdues, comme s’ils les avaient mises dans une bourse percée. Quand entre beaucoup d’œuvres peccamineuses un homme en fait quelques-unes de bonnes, Dieu est trop juste pour que les mauvaises, si nombreuses qu’elles soient, lui fassent oublier le petit nombre des bonnes ; mais il accorde à cet homme de recueillir et d’enfermer en son grenier le fruit de ce qu’il a semé dans la bonne terre. Quant à celui qui est entièrement apostat, il n’aura absolument rien à manger, il périra de faim. Or, celui qui sème beaucoup et qui récolte peu, mange peu, et non pas à satiété, selon cette menace du Seigneur dans les malédictions du Lévitique : « Vous mangerez, et vous ne serez point rassasiés. » Lev. 26, 26. Au contraire, celui qui est saint mangera jusqu’à se rassasier, et ce sera l’accomplissement de cette parole de l’Écriture : « Le juste mange et remplit son âme. » Pro. 13, 25. Pareillement, celui qui ne boit rien, meurt de soif, comme il est dit dans Judith (si toutefois on ne veut pas rejeter le livre d’une femme) : « Les petits enfants périrent de soif. » Jdt. 16, 1 seqq.