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vous avez maudit ses sceptres, mais aussi le chef clés guerriers que vous aviez frappés, et qui étaient venus pour me disperser, c’est-à-dire pour renverser Israël et l’emmener captif en des pays divers. Ils faisaient éclater leur joie en dévorant Israël pauvre et foulé aux pieds, comme s’ils commettaient ce forfait en secret, comme s’ils nous dévoraient à votre insu. Vous êtes donc venu au combat pour votre peuple, et lançant vos chars du milieu des eaux, c’est-à-dire contre des nations innombrables, vous leur avez fait un chemin au travers de la boue des grandes eaux, c’est-à-dire, vous avez foulé aux pieds nos ennemis, et vous les avez broyés sous le sabot de vos chevaux et sous la roue de vos chars, comme de la boue. Pour ce qui suit : « J’ai entendu, et mes entrailles ont été émues ; mes lèvres ont tremblé au son de votre voix. Que la pourriture entre jusqu’au fond de mes os, et qu’elle fourmille de vermine au-dessous de moi, afin que je me repose au jour de la tribulation, et que je me joigne à notre peuple pour être prêt à marcher avec lui », en voici le sens : Maintenant, nous souffrons volontiers les afflictions, et votre menace nous fait trembler de crainte jusqu’au fond des entrailles. Maintenant mes lèvres tremblent, l’épouvante de mon âme pleine d’angoisse se trahit sur mon visage ; et, non content de cela, de moi-même, je demande plus, de moi-même, je désire plus : que la pourriture pénètre jusqu’au fond de mes os et qu’elle sème la vermine au-dessous de moi ; c’est-à-dire, j’endure volontiers ce que Job a souffert ; je désire que, non-seulement mes chairs, mais la moelle de mes os tombe en pourriture, et que mon grabat, souillé de la pourriture de mon corps, soit rempli d’une fourmilière de vers, afin qu’après avoir enduré ici-bas toutes ces afflictions pour mes péchés, je me repose au jour de l’amertume, au jour de la tribulation, au jour de la nécessité et de l’angoisse, et que je monte vers notre peuple en armes, c’est-à-dire fort, plein de bravoure et prêt au combat. Belle expression que celle-ci : « Que je monte ; » on monte toujours pour se joindre au peuple prêt au combat. « Notre » est aussi plein d’élégance : celui qui a été affligé, qui a supporté volontiers ces afflictions, et qui a compensé par les maux présents les récompenses futures, peut hardiment dire « notre », en sorte qu’à l’exemple d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, il s’endorme, lui aussi, dans une bonne vieillesse, plein de jours et qu’il soit réuni à ses pères. – Mais, s’écriera-t-on, voilà qu’en expliquant la lettre, vous êtes, sans le savoir, tombé dans les filets de l’allégorie, et que vous avez mêlé la tropologie à l’histoire. – Je réponds que la métaphore appliquée à l’histoire n’est pas toujours la môme chose que le sens figuré des Écritures : bien souvent l’histoire elle-même est présentée métaphoriquement, et, sous l’image d’une femme ou d’un seul