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de royaumes. Ainsi, ce que dit Anne dans le premier livre des Rois : « Il comblera de joie la corne de son Christ », marque la magnificence du règne du Sauveur. Dans Daniel pareillement, les dix cornés sont la figure de dix royaumes. [1]. C’est donc ainsi qu’il est dit maintenant : « Les cornes sont dans ses mains », comme il est écrit ailleurs : « Le cœur du roi est dans la main de Dieu », [2], en ce sens : La pensée et le gouvernement du cœur de l’homme saint, qui, se hâtant vers le royaume des cieux, règne, pendant qu’il est établi encore dans la terre, règne sur un corps sans péchés, ne s’égarent pas au-dehors, et sont entièrement arrêtés sous la tutelle de Dieu. En outre, comme le texte hébreu et d’autres éditions portent, non pas : « Les cornes sont dans ses mains », mais dans sa main, ce qui se dit jabo, il faut entendre que cette main forte et vigoureuse de Dieu, c’est son Fils. Reconnaissons donc que cette main tient tous les royaumes des cieux et de ceux qui s’efforcent de monter vers les cieux ; et c’est là le sens de cette parole d’Isaïe : « Une vigne avait ôté plantée pour mon bien-aimé dans la corne, dans un lieu fertile », [3], c’est-à-dire, dans son royaume. C’est pour ce motif, à mon avis, que le Lévitique ne range aucun animal à cornes parmi les immondes ; et c’est le même sens qu’il faut donner à l’animal à une corne des Psaumes ([4]) ou rhinocéros, et aussi à cette parole : « En vous nous jetterons au vent nos ennemis avec la corne. » [5]. D’autre part, ce que nous lisons dans les Septante ; « Il a établi l’amour de sa puissante vertu », nous devons aussi l’entendre de Jésus-Christ, en ce sens que Dieu le Père a couvert les cieux de sa vertu, rempli la terre de sa louange, fait sa splendeur comme la lumière et mis la royauté dans la main de son Fils, afin de faire aimer par les hommes son bien-aimé, et de le faire aimer, non pas à la légère, mais vivement et fortement, afin que personne ne puisse ravir à sa main ceux qui l’aiment avec énergie et qui sont intimement unis à son amour. Au contraire, le diable fait que nous chérissons le monde, et qu’au lieu d’aimer la vertu, nous aimons le vice, et non point à la légère, mais avec force, en sorte qu’on puisse dire de nous : Le diable a établi l’amour énergique de ses vices.


« La mort ira devant sa face, et le diable sortira au-devant de ses pas. » [6]. Les Septante ; « La parole ira devant sa face, et elle sortira dans la plaine sur ses pas. » Le mot « mort » de ma traduction est représenté, dans le texte hébreu, par les trois lettres Daleth, Beth, Res, sans aucune voyelle ; si l’on prononce Dabar, ce mot signifie « parole », et il veut dire « peste », en grec loïmos, si l’on prononce Deber. Au reste, voici la traduction d’Aquila : « La peste ira devant sa face ; » et celle de Symmaque : « La mort précédera devant sa face ; » et celle de la cinquième édition : « La mort marchera devant sa face. » Seuls, les Septante et Théodotion ont mis « parole » au lieu de « mort. » En outre, dans le verset suivant, que j’ai rendu

  1. Dan. 7, 1
  2. Pro. 21, 1
  3. Isa. 5, 1
  4. Psa. 12 et 91
  5. Psa. 43, 6
  6. Hab. 3, 5