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gain honteux, qui vend les colombes, c’est-à-dire les dons du Saint-Esprit dans le temple, et qui étouffe les oiseaux libres dans sa chaire de prêtre il ne change pas, il est vrai, la maison de la prière en une caverne de voleurs, mais il fait de la maison du Père une maison de vendeurs.

La prophétie poursuit ensuite : « Déchu de la gloire, buvez, vous aussi, la honte jusqu’à la lie, et soyez ébranlé », c’est-à-dire, ô diable, ô doctrine perverse, ô hérétique, qui vous flattiez d’être une coupe d’or, où s’enivreraient toutes les nations pour voir vos cavernes et vos secrets, au lieu de cette grande gloire que vous attendiez, gorgez-vous d’ignominie, et qu’on ne voie en vous qu’un vase d’argile, ouvrage des mains du potier ; buvez, vous aussi, à la coupe du Seigneur, dont il est dit dans le psaume : « Le Seigneur tient en sa main une coupe de vin pur pleine d’amertume, et quoiqu’il en verse tantôt à l’un et tantôt à l’autre, la lie n’en est pourtant point encore épuisée. » [1]. Soyez ébranlé dans votre opinion de la veille, et détrompez-vous de la croyance qu’il y ait quelque fermeté et quelque stabilité dans les dogmes sur lesquels vous désiriez vous affermir auparavant ; car la coupe que tient la main du Seigneur va vous faire chanceler de toutes parts. Vous avez fait boire à votre prochain son renversement dans votre breuvage trouble ; c’est pourquoi l’ignominie va être amassée sur vous et sur la gloire que vous vous flattiez d’abord de posséder. Vous souffrirez cet avilissement, parce que l’impiété de votre Liban vous couvrira, selon la maxime du psaume : « Sa prière même lui sera imputée à péché. » [2]. Le mot Liban est homonyme d’encens, et l’encens est le symbole de la bonne odeur spirituelle, qui est le culte de Dieu. Par conséquent, la prière perverse des hérétiques, qui ne suit pas la règle droite de la simplicité évangélique, leur sera imputée à péché, et leur culte impie de Dieu retombera sur eux. De là ce qui suit : « Et le misérable état des bêtes vous effraiera, à cause du sang des hommes versé, et des impiétés de la terre et de la ville et de tous ceux qui y habitent. » Le sens est celui-ci : Lorsque vous verrez que ceux que vous avez trompés par vos fraudes et que vous avez changés de brebis de Jésus-Christ en vos bêtes, sont dans l’affliction et en proie aux supplices à cause de leur égarement, vous serez dans l’épouvante et dans l’abattement. Pour qu’on ne pense pas d’ailleurs qu’ayant nommé le Liban et ses bêtes, le texte parle des brutes, et non pas des hommes, il ajoute très-clairement : Vous endurerez ces maux, parce que vous avez répandu le sang d’un grand nombre d’hommes que vous avez fait mourir pour Dieu. Vous avez exercé votre impiété sur la terre des vivants, sur la terre des hommes de paix, et votre impiété a sévi aussi dans la ville du Seigneur, c’est-à-dire dans son Église, en ce que vous avez fait participer à votre impiété beaucoup de ceux qui y habitaient. La prophétie, on le voit, s’applique exactement aux hérétiques.

  1. Psa. 74, 9
  2. Psa. 108, 7