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mot qui correspond dans le texte hébreu à Sior, c’est-à-dire « trouble » et « bouleversement. » Bien qu’on croie que les fleuves de l’Égypte sortent du paradis des Écritures, toutefois, parce qu’ils sont foulés aux pieds de Pharaon, ils ont perdu leur splendeur, la boue de l’Égypte a terni leur pureté, et ils se sont changés en des torrents, auxquels le Saint se félicite d’avoir échappé : « Notre âme a traversé le torrent. » [1]. – Mais Élie, objecter a-t-on, a bu au torrent de Corath,[2] et Notre-Seigneur a bu de l’eau d’un autre torrent dans le chemin, puisque l’Écriture dit : « Il boira do l’eau du torrent dans le chemin. » [3]. – Quiconque, répondrai-je, est en Égypte et sera sur le chemin de ce monde, serait-il Moïse ou Aaron, serait-il Jérémie ou Élie, boira nécessairement de l’eau des épreuves de l’Égypte et du désert. Aussi Notre-Seigneur, qui s’était revêtu de la chair, afin de boire de l’eau du torrent, dit-il d’abord, en considération de sa propre majesté : « Mon Père, s’il est possible que ce calice s’éloigne de moi ; » [4] ; mais se souvenant ensuite qu’il est en Égypte, et que les eaux ne peuvent être purifiées, à moins qu’il n’en ait bu lui-même, il reprend : « Néanmoins, qu’il en soit, non comme je le veux, mais comme vous le voulez. » [5].

Il en est ainsi, parce que le diable enivre le prochain, c’est-à-dire l’animal raisonnable, par la subversion des choses et le breuvage trouble de sa coupe, en lui versant des doctrines perverses, et qu’il fait que ses dupes, regardent en arrière, vers le fond de ses cavernes. Les enseignements de l’Église sont libres, et ils aiment le jour et la pleine lumière, « tandis que ceux qui s’enivrent, s’enivrent dans la nuit », [6], et ceux qui les enivrent les conduisent, non point dans les parvis du Seigneur, que des toits n’obscurcissent pas de leur ombre, mais dans des cavernes. Et en effet, de la maison du Père, qui avait été une maison de prière, ils ont fait des cavernes de voleurs,[7] avec la promesse de certaines initiations, de mystères et de secrets connus des hérétiques seuls. C’est d’eux qu’Isaïe parle en ces termes : « Ils cacheront les idoles, ouvrages de leurs mains, en les emportant dans les cavernes, dans les fissures des pierres et dans les ouvertures de la terre. » [8]. N’entrons donc point dans les cavernes des hérétiques, n’entrons pas dans ce lieu où l’impie Saül dépose d’habitude les excréments de ses doctrines ; [9] ; montons plutôt jusqu’à la haute caverne du mont Sina, où Élie vit le Seigneur,[10] où Moïse la contempla par-derrière,[11] et au sujet de laquelle Isaïe s’écriait : « La Juste habitera dans la caverne élevée. » [12]. Quant à celui qui, sans avoir la coupe au breuvage trouble et la doctrine hérétique, étant maître parmi les fidèles, fait tout en vue d’un

  1. Psa. 123, 5
  2. 1Ro. 17, 1
  3. Psa. 109, 7
  4. Mat. 26, 39
  5. Ibid, 1
  6. 1Th. 5, 7
  7. Mat. 21, 1
  8. Isa. 2, 18-19
  9. 1Sa. 24, 1
  10. 1Ro. 19, 1
  11. Exo. 33, 1
  12. Isa. 32, 16