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même métaphore, il compare à des animaux ou bêtes les victimes et les sacrifices, on assurément la multitude des habitants qui ont été massacrés dans Jérusalem : « Et la dévastation des animaux causera votre écrasement. « Tous ces maux, vous les souffrirez, parce que vous avez ravagé Juda et ruiné la terre promise et la ville do Jérusalem avec tous ses habitants.

J’ai connu, à Lidda, un docteur hébreu, regardé parmi les Juifs comme savant deutérote ; voici à peu près quelle fable il racontait : Sédécias, après avoir eu les yeux arrachés à Reblatha, c’est-à-dire à Antioche, par ordre de Nabuchodonosor, et avoir servi de jouet en diverses manières, fut conduit à Babylone. [1]. Là, un jour que Nabuchodonosor faisait un festin en grande pompe, il ordonna qu’on versât à Sédécias un breuvage préparé pour amener un flux du ventre chez celui qui le boirait. Sédécias, aussitôt amené en présence des convives, ne put mettre un frein à la nécessité corporelle qui lui faisait violence, et il se souilla de ses propres excréments. C’est là, ajoutait notre docteur, ce que dit ici l’Écriture : « Malheur à celui qui verse à boire à son ami un breuvage où il a mêlé son fiel, et qui l’enivre pour se donner en spectacle sa nudité et l’ignominie qui a remplacé la gloire ; » par quoi elle reproche à Nabuchodonosor d’avoir fait descendre à une telle dégradation un homme qui avait été un roi très-puissant. Aussi Dieu fait-il à Nabuchodonosor la menace qu’il boira un breuvage de cette sorte, et qu’il endurera tous les maux qu’a soufferts Sédécias. Combien cette fable est ridicule ; on le voit, sans que j’aie besoin d’y insister. Puisque ce qui suit : « Buvez vous-même et soyez frappé d’engourdissement car la coupe que tient la main du Seigneur va vous enivrer, et vous effacerez votre gloire sous un vomissement plein d’ignominie », ils l’entendent, non d’une coupe, mais des maux qui frapperont Nabuchodonosor, il faut évidemment voir dans la coupe qu’on a fait boire à Sédécias le symbole, de ses maux, et non pas, comme ils le veulent, un breuvage préparé. S’ils prétendent, d’autre part, que le fait est authentique, et que Sédécias but une potion préparée d’avance, comme je l’ai rapporté, évidemment, il faut croire aussi que la coupe où devait boire Nabuchodonosor est pleine d’un breuvage purgatif, de sorte que le Dieu des armées, le Seigneur tout-puissant, verse réellement à boire à Sédécias, et fasse qu’il se souille de ses propres excréments. Voilà contre la tradition juive. Venons maintenant au sens spirituel.

Malheur à vous, diable, ou Antéchrist, ou doctrine perverse des hérétiques, qui enivrez les peuples trompés du breuvage trouble de vos enseignements, et qui renversez la foi, primitive, en leur donnant à boire des eaux, non pas de Siloé, ni du Jourdain, ni des sources d’Israël, mais du torrent de Cédron et fleuve d’Égypte, dont Jérémie a dit : « Qu’y a-t-il de commun entre vous et l’Égypte, pour que vous buviez l’eau de Géon ? » [2],

  1. 1Ro. 25, 1 ; Jer. 39, 1
  2. Jer. 2, 18