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Le sens de tout ce contexte peut être tourné contre eux. Et véritablement, ils multiplient leurs rapines sur ce qui ne leur appartient pas, et pour amasser comme un pesant fardeau de boue et un écrasant collier, par où ils seront traînés aux châtiments éternels, ils dépouillent des nations sans nombre, ils répandent le sang des hommes, et ils exercent l’impiété contre l’Église et contre tous ses habitants. Mais les peuples qui restent, les champions de l’Église que n’a point séduits leur erreur, se lèveront tout à coup, ils s’éveilleront comme d’un profond sommeil, et ils les mordront, ils leur tendront des embûches et ils en feront leur proie.

Quelques auteurs pensent que les mots : « Malheur à ceux qui multiplient en leurs mains ce qui ne leur appartient point ! », etc, peuvent s’entendre des riches, qui reculent toujours les limites de ce qu’ils ont, et regardant comme biens de l’homme les choses qui n’appartiennent point à l’homme, amassent pour eux ces biens qui les quitteront tout à coup, la possession terrestre n’appartenant pas, en effet, à l’homme, c’est-à-dire à l’animal raisonnable, comme le démontrent ces paroles de Notre-Seigneur : « Si vous n’avez pas été fidèles dans un bien étranger, qui vous donnera le vôtre ? » et ces auteurs commentent tout ce contexte sur le personnage du riche. Mais je ne vois pas trop qu’ils puissent conserver l’ordre de la question prophétique et de sa solution.


« Malheur à celui qui amasse pour sa maison une avarice criminelle, pour avoir son nid le plus haut qu’il pourra, s’imaginant qu’il se délivrera ainsi de la main de la douleur. Vos grands desseins pour votre maison en seront la honte ; vous avez ruiné plusieurs peuples, et votre âme s’est plongée dans le péché. Mais la pierre criera contre vous du milieu de la muraille, et le bois qui est entre les jointures des édifices lui répondra. » [1]. Les Septante : « Oh ! l’homme qui multiplie pour sa maison une avarice criminelle, afin de mettre son nid le plus haut qu’il pourra, et de se soustraire à la main des maux. Vos grands desseins pour votre maison en seront la honte ; vous avez dévoré plusieurs peuples, et votre âme s’est plongée dans le péché. Mais la pierre criera du milieu de la muraille, et voilà ce que le scarabée dira du milieu du bois. » La prophétie est toujours dirigée contre le même personnage : il amasse des monceaux de maux, il ne comprend pas que la multiplication des richesses causera la ruine de sa maison. En même temps, il est accusé d’orgueil dans la métaphore qui lui reproche d’avoir placé, comme font certains oiseaux, son nid le plus haut qu’il a pu, et de s’être cru à couvert de la main de la souffrance, c’est-à-dire d’avoir cru qu’il ne tomberait jamais au pouvoir des ennemis ; dessein orgueilleux et pensée arrogante qui ont eu pour fin sa propre honte. Vous avez fait périr un grand nombre de peuples, et en mettant à mort les autres, c’est contre votre âme

  1. Hab. 2, 9-11