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divine l’aura frappé d’un profond engourdissement, tous ne lui jetteront-ils pas l’insulte, en comparant son éclat passé à sa chute ? Malheur à celui qui ravage tout l’univers sans être rassasié de rapines, qui persiste à dépouiller ceux qu’il a déjà faits nus, qui n’exerce les violences que pour le plaisir de dévorer, et qui entasse sur ses épaules les injustices et les rapines, jusqu’à ce que ce collier, si l’on peut ainsi dire, l’écrase sons son poids accablant ! – Remarquons en passant avec quelle élégance expressive le texte qualifie de boue épaisse les richesses multipliées. – Est-ce qu’ils ne se lèveront pas soudain, les Mèdes et les Perses, qui, détruisant l’empire de Babylone, déchireront le roi chaldéen après l’avoir mordu ? Nabuchodonosor ne deviendra-t-il pas leur proie, et, après avoir ravagé tout l’univers, ne sera-t-il pas dépouillé par les restes des peuples qui auront pu échapper à sa main et à sa cruauté ? Il sera frappé de la sorte à cause du sang de l’homme, c’est-à-dire de Juda, qu’il a versé, et des injustices qu’il a exercées contre la terre, évidemment celle d’Israël, et la ville ou Jérusalem, et tous ses habitants, pour signifier tout le peuple qui est dans ses murs.

Analysons aussi les Septante. Tout ce que nous avons dit de ce monde et de Nabuchodonosor peut se rapporter à ce monde et au diable, qui vraiment arrogant et superbe, et croyant être quelque chose, ne mènera rien à sa fin, puisque tous ses efforts et tout son labeur ne posséderont que la mort. Semblable à l’enfer et à la mort, il est insatiable de cadavres*; il fait sa joie de tromper toutes les nations et de réunir les peuples sous son joug. Lorsque ceux-ci le verront précipité dans l’abîme et livré à la Géhenne, devant l’accomplissement des paraboles et des énigmes qu’ils avaient lues dans les Prophètes, ils les rappelleront pour lui en faire l’application tout d’une voix : Malheur au diable qui a multiplié ses rapines sur ce qui ne lui appartenait pas ! Malheur à la perdrix, qui a rassemblé les oisillons qu’elle n’avait pas engendrés ! « Jusques à quand ? » – Cette locution est le cri de gens qui accusent, ou qui font allusion au jour du jugement. – « Jusques à quand appesantira-t-il son collier d’un poids toujours grandissant ! » Il est d’ailleurs fort juste, puisqu’il est arrogant et superbe, et que l’orgueil se révèle particulièrement aux yeux par la tension du cou et l’érection de la tête, que ce collier soit des plus lourds, pour qu’il fasse plier ce qui se redressait insolemment. Il en sera ainsi, parce que soudain se lèveront ceux qui doivent le mordre, soit les anges avec lesquels le diable doit être livré au châtiment, soit ses captifs d’autrefois, qui, faisant pénitence et retournant sous les étendards de Jésus-Christ, mordront Satan, comme l’Écriture l’enseigne ailleurs : « Ces hommes qui paraissaient vos amis vous ont tendu des pièges. » [1]. Au reste, le texte poursuit : « Ceux qui vous tendront des embûches s’éveilleront », c’est-à-dire, vous tomberez dans les pièges de ceux que vous aviez auparavant enivrés et plongés dans le

  1. Jer. 38, 22