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le Créateur. Cette impiété le fera tomber, et sa chute montrera combien peu sa divinité avait de force, et que les idoles étaient une feinte par où il assujettissait les hommes à l’adorer. Le Prophète, en apprenant que le roi de ce monde est si redoutable, qu’il rassemble ses captifs comme le sable de la mer, qu’il triomphe des rois, qu’il fait des tyrans sa risée, qu’il se moque de toute forteresse et la prend, après l’avoir tout d’abord entourée d’une levée de terre, et que son orgueil sans bornes lui donne l’audace de se révolter contre son Créateur et de se faire passer pour Dieu ; – le Prophète, dis-je, qui avait d’abord parlé avec hardiesse au Seigneur, lui rappelant que lui-même, ou son peuple, ou ceux dont il rapportait le langage* étaient justes, éclate maintenant en paroles caressantes : Seigneur mon Dieu, mon salut, c’est donc bien vous qui êtes depuis le commencement avec nous ? et si nous ne mourons point, si nous ne sommes pas les captifs d’un si redoutable ennemi, c’est par l’effet de votre bonté ; car c’est vous, Seigneur, qui l’avez établi comme bourreau, et vous lui avez donné une telle force, qu’ils sont bien rares, s’il s’en trouve, les hommes qui peuvent résister à sa puissance. Quant au trait final, dans la version des Septante : « Et il m’a formé, afin que je reprenne selon sa discipline », on peut l’appliquer au Prophète, en sorte que le sens soit celui-ci : « Quant à moi, j’ai reçu l’inspiration prophétique pour réprimander les pécheurs et enseigner la discipline du Seigneur. Quelques interprètes pensent qu’il s’agit de Notre-Seigneur, comme ayant été formé par le Père et ayant pris un corps, pour instruire les hommes de la doctrine de Dieu le Père ; mais le lecteur jugera, sans que je me prononce, combien cette explication est en divergence avec le reste du contexte et avec tout ce qui est dit ici.


« Vos yeux sont trop purs pour contempler le mal, et vous ne pouvez regarder l’iniquité. Pourquoi ne regardez-vous pas avec colère ces hommes couverts de crimes ? pourquoi, demeurez-vous dans le silence, quand l’impie dévore celui qui est plus juste que lui ? L’homme n’est-il à vos yeux que comme les poissons de la mer, ou comme les reptiles qui n’ont pas de prince ? » [1]. Les Septante : « Votre œil est trop pur pour contempler le mal, et vous ne pouvez regarder la douleur. Pourquoi avez-vous des regards de colère pour les contempteurs, et garderez-vous le silence, quand l’impie dévore celui qui est plus juste que lui ? Vous rendrez donc les hommes semblables aux poissons de la mer et aux reptiles qui n’ont pas de chef ? » Jérémie tient le même langage : « Vous êtes juste, Seigneur, je le confesse ; cependant, je vous parlerai de vos justices : Pourquoi les impies prospèrent-ils dans leurs voies ? pourquoi tous les biens à ceux qui vivent dans les prévarications et dans le crime : «

  1. Hab. 1, 13-14