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sur qui ne sont point tombés les effets de votre malice ? » Il n’est pas surprenant, ô roi d’Assur, qui aviez la domination dans Ninive, que vos pasteurs se soient endormis, et que soient ensevelis ou errants vos princes, les rois et les chefs de tous les peuples qui vous étaient asservis auparavant, puisque votre peuple est au milieu de votre cité semblable à de faibles femmes, que les portes de la ville ont été ouvertes à vos ennemis, et que la multitude rassemblée sur vos remparts, comme une sauterelle s’élance quand le soleil lui fait sentir sa chaleur, a déserté les fortifications dès la venue de Nabuchodonosor et a pris la fuite devant les ennemis, sans qu’on puisse retrouver la place où elle était. Vous aviez irrité Dieu, ô Assur, et parce que vous aviez porté le ravage au milieu de son peuple, et que vous aviez voulu élever votre aire jusque dans le ciel, ce qui vous avait fait donner le nom de sens orgueilleux, votre cité a été détruite, et après que tous les princes qui pouvaient résister aux adversaires ont été mis à mort, le reste de votre peuple lâche et méprisable a été dispersé dans les montagnes, où il ne se trouve aucun chef pour le rassembler et en former une nouvelle armée. Votre blessure est exposée aux yeux de tous, et votre plaie n’est pas de celles que peut guérir la main d’un médecin. Tous ceux qui apprendront que Ninive, la plus puissante des cités, est détruite, que le roi d’Assur, qui y dominait auparavant, est vaincu et blessé, qu’il gît à demi-mort et se roule dans son sang, ou seront frappés de stupeur à la nouvelle inattendue d’un si grand événement, et joindront les mains de surprise, ou, dans l’ivresse de leur joie, ils vous insulteront en applaudissant à vos maux et feront éclater leur allégresse dans de bruyants battements de mains. Nul ne saurait déplorer vos maux et donner des larmes à votre blessure, parce qu’il n’y a personne sur qui les effets de votre malice ne soient passés. L’expression « soient passés » est des plus justes : la malice du roi Assyrien ne saurait s’appesantir sans fin sur ses ennemis.
Jusqu’ici, j’ai paraphrasé le sens historique. Je dois aussi, avant d’analyser la version des Septante, qui a sur ce point un sens tout autre, m’élever quelque peu au-dessus de la lettre du texte hébreu, et montrer que la dernière prophétie de Nahum est une apostrophe au, démon, cet esprit orgueilleux, ce prince des Assyriens qui ; après avoir dit avec jactance : cc C’est par la force de mon bras que j’ai fait ces grandes choses, et c’est ma propre sagesse qui m’a éclairé ; j’ai enlevé les anciennes limites des peuples, je me suis nourri de leurs forces et j’ai ébranlé les cités pleines d’habitants », Isa. 10, 13, entend cette réponse : « 0 Lucifer, qui paraissiez si brillant au matin et qui répandiez vos feux sur toutes les nations, comment êtes-vous tombé sur la terre et avez-vous été brisé ? » Isa. 14, 12-13. Elle a été détruite, Ninive, votre ville si belle et si puissante, dans laquelle vous