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enfin il parvient à l’état de sauterelle, et celle-ci prend son vol. Mais il est de courte durée, et lorsque ses faibles ailes n’ont plus de force et que le froid les a contractées, elle s’arrête à son tour, et ce n’est pas sur un arbre chargé de fruits et de vertes feuilles : elle s’arrête sur une haie hérissée d’épines et de broussailles mortes, ou sur un mur de clôture fait au hasard des pierres sèches amassées de côté et d’autre. Considérons les sages de la Grèce, de l’Égypte, de la Perse, les gymnosophistes de l’Inde, les Samaritains avec leurs différentes sectes opposées entre elles, les Juifs avec leurs Pharisiens et leurs Sadducéens, et les nombreuses hérésies de l’Église : voilà l’attelabe qui se soulève quelque peu au-dessus de la terre, et la sauterelle qui vole sans doute, mais qui ne fournit pas un plein essor, et parce qu’elle n’a point la chaleur du soleil de justice, dès que l’amour envers Dieu s’est refroidi en elle, elle tombe au milieu de la haie chargée d’épines. Toutes leurs doctrines, refroidies et incapables de tout essor, trouvent leur place et le repos entre les haies d’Aristote et de Chrysippe. De là sort cette parole sacrilège d’Eunome : Ce qui est né n’a pas existé avant de naître ; de là Manès, pour décharger Dieu de la création des maux, invente un autre auteur du mal ; de là Novatus retranche le pardon, pour ôter la pénitence. Pour tout conclure en peu de mots, voilà les sources d’où toutes leurs doctrines tirent les ruisseaux de leurs argumentations, en sorte qu’ils ont appelés topiques les lieux mêmes d’où ils prennent leurs arguments. Or, cette sauterelle maintenant arrêtée au milieu des buissons, lorsque viendra le temps du jugement et que le soleil à son lever aura réchauffé le monde, abandonnera cette demeure et les lieux où elle était rivée au temps du froid, et s’étant tournée vers des régions meilleures, elle ne se souviendra plus de la place qu’elle occupait alors. Ce que nous avons dit en général du temps du jugement, nous pouvons l’entendre comme s’accomplissant en partie tous les jours, en ce que les saints et les docteurs font lever la lumière du soleil de justice pour des sauterelles de cette sorte, et qu’abandonnant leur haie épineuse, elles entrent dans leur plein et libre essor.
« Ô roi d’Assur, vos pasteurs se sont endormis ; vos princes seront ensevelis, votre peuple a été dispersé sur les montagnes, et il n’y a personne pour le rassembler. Votre ruine est exposée aux yeux de tous, votre plaie est mortelle ; tous ceux qui ont appris vos maux ont appesanti leur main contre vous ; car qui n’a pas ressenti les effets continuels de votre malice ? » Nah. 3, 18 et seqq. Les Septante : « Vos pasteurs se sont endormis ; le roi d’Assur a endormi vos vaillants, votre peuple s’en est allé sur les montagnes, et il n’y avait personne pour le recueillir. Votre ruine est sans remède, votre plaie est tuméfiée. Tous ceux qui ont appris la nouvelle de votre chute applaudiront à vos maux ; car