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d’elle. Tant que nous tenons en honneur, en effet, ce qui est terrestre, et l’estimons grand, nous sommes comme sur un faîte orgueilleux, et nous admirons la beauté de Ninive. Quand, au contraire, nous avons considéré la nature et tous les biens corporels, et que nous les avons dédaignés comme inférieurs, en nous soumettant à la puissante main divine, alors nous aurons pitié de Ninive, et, estimant toutes les choses du temps dignes de pleurs, nous dirons : Malheureuse Ninive ! combien qui sont pris dans tes pièges, combien ne retiens-tu pas de captifs dans tes chaînes ? Qui, penses-tu, se retirera de toi et descendra de ton orgueil et s’estimera misérable ? C’est moins dans le sens de difficile que de rare que l’interrogation « Qui ? » doit être entendue ; ainsi, souvent, avons-nous dit : « Qui, pensez-vous, est le serviteur fidèle et prudent ? Mat. 24, 45 ; « qui est sage et comprendra cela ? » Ose. 14, 10 ; « qui montera sur la montagne du Seigneur ? » Psa. 23. Qui donc gémira sur Ninive ? Qui pourra-t-on trouver qui, sentant le poids de son enveloppe mortelle, dira avec Paul : « Malheureux ! qui me délivrera du corps de cette mort ? » Ne voyons-nous pas chaque jour celui qui est voisin de sa mort, et qui se voit enlevé de ce monde par une fièvre, une blessure ou un genre quelconque de mal, frémir et craindre, et, tremblant de tous ses membres, s’attacher aux étreintes de Ninive et être arraché avec peine des bras de cette séduisante courtisane ? Ce qui suit : « Où trouverais-je la consolation » ou « le consolateur pour toi, qui préparera son instrument ? » est dit encore de celui qui s’éloignera ou qui descendra loin de Ninive et dira : « Malheureuse Ninive, qui la pleurera ? » en parlant du milieu troublé de ce siècle où nous vivons, où rien n’est digne de plaire à jamais, mais où ce qui plaisait d’abord parvient à déplaire et de nouveau à plaire ce qui déplaisait avant. Où pourra-t-on donc trouver un pareil consolateur et, pour ainsi parler, un auteur inspiré et lyrique en état d’associer dans un même concert des instruments si discordants et d’unir ces voix en un accord harmonieux de louanges divines ? Ce que nous avons écrit : « Qui accordera son instrument » et qui se dit en grec : αρμοσαι χορδην, ne se trouve ni dans l’hébreu ni dans les autres traducteurs, mais à sa place se trouve ce commencement d’une autre pensée : « Est-ce que tu es préférable à Amon qui habite au milieu des fleuves ? » Aussi me paraît-il être mieux relié à ce qui suit.
« Est-ce que tu es préférable à Amon qui habite au milieu des fleuves, qu’entoure les eaux, dont la mer est la richesse et dont les remparts sont les flots ? L’Éthiopie était sa force avec l’Égypte, et c’était sans fin ; l’Afrique et la Lybie lui prêtaient leur secours. Elle-même pourtant a été emmenée en captivité ; ses enfants sont