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étant humble et bien pauvre, et n’ayant pas en votre possession d’édifice aux toits élevés, vous montez néanmoins, comme l’aigle, au plus haut des airs, et vous vous enflez tellement dans vos pensées, qu’il vous semble avoir votre habitation parmi les astres ; et, lors même que votre nature vous permettrait de vous élever dans les hauteurs des cieux, je vous en arracherais et je vous ferais tomber par terre, dit le Seigneur Dieu. Dans ce qui est ajouté dans Jérémie : « et vous vous efforcez de monter jusqu’au sommet de la colline », il a mis à découvert une énigme, signifiant par colline la montagne de Sion, et voulant qu’on entende par là, ou la ville même de Jérusalem, ou le temple qui a été bâti dans cette cité : Ceux qui traitent de la nature des oiseaux nous ont appris que l’aigle vole plus haut que tous les autres : on dit que telle est la vivacité de son regard, que, lorsqu’il plane au-dessus des mers, les ailes étendues et immobiles, à une hauteur si grande que les hommes le perdent de vue, il ne laisse pas de voir, d’une telle élévation, nager les petits poissons, et, lorsqu’ils sont près du rivage, il fond sur eux comme une machine de guerre, et, de ses ailes, il traîne sur les bords de la mer le butin qu’il a fait. Voilà ce que nous apprend l’histoire ; suivons en l’intelligence spirituelle. Quoiqu’il te semble, ô hérétique, que tu es grand, et que tu méprises l’Église, en considérant le petit nombre de ses membres, tu es néanmoins peu de chose (ou petit), dans les nations, tu es méprisable et bien méprisable. « Mais l’orgueil de ton cœur t’a élevé. Car quel est l’hérétique qui ne s’élève pas dans son orgueil, faisant peu de cas de la simplicité de l’Église, et regardant la foi comme une ineptie. « Vous qui habitez dans les fentes des rochers, et qui placez votre trône sur des lieux élevés. »

Quoique la pierre soit fréquemment employée pour exprimer la personne du Seigneur ou la fermeté, d’où il est dit par le Prophète : « Il a établi mes pieds sur la pierre ; » Psa. 39, 3 ; et il est dit à Pierre : Vous êtes Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église ; Mat. 16, 18 ; néanmoins, le mot pierre est pris fréquemment dans un sens opposé : « Je vous ôterai, dit-il, ce cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair ; » Eze. 36, 26 ; et : « Dieu est assez puissant pour susciter de ces pierres des enfants à Abraham. » Mat. 3, 9. Surtout ici où il ne dit pas : qu’il habite sur la pierre sur laquelle un architecte prudent bâtit sa maison ; mais dans les fentes de la pierre, pour signifier les scissions qui séparent les hérésies du Christ pierre et de son Église. Par les paroles qui suivent : « Ayant mis votre trône sur un lieu élevé », et il dit dans son cœur : « Qui me fera tomber à terre ? » il montre l’enflure de l’esprit hérétique, de ces hommes qui ont confiance dans leurs mystères et dans leurs secrets, et qui, autant qu’il est en eux (passez-moi cette hyperbole), se promettent le royaume des cieux. C’est à de tels hommes que s’adresse l’Apôtre, lorsqu’il écrit :