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n’était pas anthropophage, il semblait habitué à recevoir des explorateurs. Très civil il les conduisit vers la case royale et expliqua à nos amis que ce village n’était autre qu’une de ses nombreuses villégiatures et que sa capitale était située à quelque cinquante milles de là.

Chaque été il partait suivi de ses esclaves et de ses favorites et emmenait avec lui ses gardes particuliers et ses trésors, probablement pour éviter de désastreuses tentations à ses ministres, car probablement en Afrique aussi les ministres ne dédaignent pas de soulager la caisse nationale.

Les Majestés, qu’elles soient blanches ou noires, affectionnent tout particulièrement les fastes mondains, ceux-ci d’une manière, ceux-là d’une autre. Notre roi nègre ne doutait pas qu’il avait affaire à des seigneurs de grande envolée et il leur fit servir le betel et le couscou le plus délicieux, ceci arrosé d’un excellent vin de palmier. Puis il donna l’ordre de faire avancer son orchestre et le corps de ballet.

Que le lecteur et surtout les jolies lectrices ne se figurent pas que c’était l’orchestre Colonne de Paris ou celui du Metropolitan Theatre de New-York, mais le sien n’en fournit pas moins une formidable cacophonie. Quant au corps de ballet, il était assez bien réussi, les danseuses jeunes et bien découpées, étaient vêtues d’un vêtement si délicat qu’il fallait y mettre beaucoup de bonne volonté pour s’apercevoir qu’elles en avaient un.

Tout cela sous le beau ciel d’Afrique, avec un cadre de verdure idéal, le parfum pénétrant des fleurs et des encens mêlés aux vapeurs du vin de palmier était plus que suffisant pour troubler.

Courtemanche observait, ce diable d’homme paraissait insensible, quant à Titoine Pelquier il songeait que ces danseuses toutes d’ébène qu’elles étaient comme couleur seraient moins monotones que la solitude de l’Empire de l’Espace.

Sa Majesté nègre lui aussi songeait, oui, non pas à la musique ni aux grâces de ses danseuses, mais à la longue-vue que Baptiste portait en sautoir et à la gourde que Titoine avait suspendue à son côté. Enfin, n’y tenant plus, il demanda à nos amis l’utilité de ces deux objets qu’il semblait n’avoir jamais vus.

L’ingénieur lui montra l’usage de la longue-vue, et notre bon roi nègre pu voir à sa grande satisfaction un singe qui grimpait à un arbre à plus de mille pieds de distance.

Étonné il regarda avec l’instrument dans toutes les directions et fut si émerveillé qu’il résolut de l’obtenir.