Page:Jehin - Les aventures extraordinaires de deux canayens, 1918.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.
55


III

GOTT MIT HUNS.


Sa Majesté Impériale et Royale Guillaume von Hohenzollern, roi de Prusse et empereur d’Allemagne, était assis devant son bureau de travail en son palais de Potsdam et lisait attentivement des documents que venait de lui présenter son nouveau chancelier Herr Doctor Otto Reindfleish de Duceldorf. Car le Kaiser depuis quelque temps changeait plus souvent de chancelier que de chemise, c’est du moins ce que prétendait son valet de chambre.

Dans la pièce où se trouvait l’autocrate, à part du chancelier qui, lui, se tenait respectueusement de l’autre côté du secrétaire en face de son maître, il y avait le Kronprinz qui confortablement assis ou plutôt couché sur une chaise longue, feuilletait un magazine de théâtres et cinémas dans lequel il admirait les portraits de jolies actrices et se plaisait à considérer leurs formes séduisantes tout en dégustant la liqueur ambrée contenue dans une coupe à vin de champagne et en lançant au plafond les spirales odorantes d’une cigarette du Levant.

Comme nous supposons que la majorité des lecteurs ne comprennent pas l’allemand, nous allons pour leur faciliter la lecture traduire leur conversation en français.

Lorsque l’Empereur eut terminé la lecture des manuscrits, le chancelier qui l’observait fit le salut militaire et lui dit :

« Comme Votre Majesté a pu s’en rendre compte par les rapports que je lui ai remis et que je viens de recevoir de l’état-major de ses armées de l’Est, les retraites stratégiques que nous avons opérées dans le Nord de la France ont été faites suivant les ordres de votre illustre maréchal Hindenburg, ceci pour amuser l’ennemi ; nous avons recommencé de nouvelles poussées dans lesquelles des milliers de vos valeureux soldats se sont sacrifiés volontairement, préférant de tomber sous les balles des mitrailleuses ennemies que d’être fusillés par les machines ou mitrailleuses que leurs officiers plaçaient derrière eux, ceci afin de leur donner du courage.

« Les braves gens ! dit Guillaume II.

« Ils ont en certaines circonstances, poursuivit Reindfleish, abandonné aux ennemis un certain nombre de fusils et canons, ceci pour ne pas avoir l’encombrement de les porter et même ils