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« Je marchais donc sur le bord du précipice et quoique j’eusse fait bien attention où je mettais mon pied, je glissais tout à coup et tombais sur le sol, la pente était assez forte et j’aurais été entraîné vers le gouffre lorsque, l’instinct de la conservation l’emportant, je saisis le rocher et pus enfin après un effort désespéré me remettre en sûreté.

« J’étais là-haut frémissant cramponné à l’aspérité d’un roc, et lorsque je revins de mon émoi je m’aperçus que dans ma main je tenais une parcelle de pierre qui dans les efforts que j’avais faits pour ne pas tomber dans l’abîme s’était détachée du rocher. Je jetai tout d’abord sur ce caillou un coup d’œil distrait et le laissai tomber à mes pieds, lorsque je m’aperçus, oh ! prodige ! qu’au lieu de tomber lourdement comme toute autre pierre aurait fait, elle tombait lentement comme si une force surnaturelle la retenait en l’air.

« Très étonné, du pied je l’empêchai de rouler dans l’abîme, et me baissant je la pris et la mis dans ma poche. Un peu plus loin et me trouvant en un endroit où je pouvais circuler plus à mon aise et sans danger, je renouvelai avec cette même pierre l’expérience et à plusieurs reprises le caillou retomba avec une lenteur extrême. De plus en plus étonné j’examinai cette pierre qui, dans l’ordre naturel des choses, aurait dû peser près d’une livre n’en avait à peine un once.

« Décidément, me dis-je, voici une particularité qui mérite d’être éclairée, et je glissai la pierre dans ma poche, cette fois dans l’intention de l’emporter au camp et tirer au clair l’étrange phénomène que j’avais observé.

« De retour au camp, sans rien dire de mon aventure à mes compagnons, je plaçai le minerai dans mon coffre remettant au lendemain le soin de l’examiner attentivement.

« Et qu’en advint-il ? demanda Titoine Pelquier, qui écoutait l’histoire avec intérêt tout en lançant au plafond des nuages de fumée.

« Tu vas voir, dit Baptiste Courtemanche en se versant à boire :

« Le lendemain, comme le beau temps continuait et cette fois-là probablement pour un certain temps, mes compagnons partirent continuer leurs travaux d’arpentage et je leur donnai — ceci dans le but de rester au camp — une raison qui leur parut logique.

« Lorsque je fus seul, j’allai à mon coffre, y prit le caillou et