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« Messieurs, il a été décidé, dit le capitaine qui prenait la direction du combat, que deux balles seulement seraient échangées au cri de « feu ». Je prierais ces messieurs d’enlever leur chapeau et de relever le col de leur habit.

« Alors je m’approchais de Duval, prit son chapeau et l’aidais à arranger son col. Pas un muscle de sa figure ne bougeait.

« Vous sentez-vous nerveux ? lui murmurai-je.

« Je voudrais que « Poléon » me voit, me dit-il crânement, il a dû venir « icitte lui itou ».

« À vos places, Messieurs, dit le capitaine, puis s’avançant vers chacun des combattants il leur présenta, commençant par Sérac, le pistolet de combat, puis se reculant :

« Avez-vous quelque chose à dire ? fit-il gravement.

Sérac secoua la tête et Duval d’une voix de tonnerre s’écria :

« Pas une sapré miette !

« Étonné nous nous regardions, et si j’ai bonne souvenance, des deux combattants ce n’était pas Philias Duval qui faisait la plus mauvaise mine.

« L’arme prête, Messieurs, en joue… puis abaissant sa canne qu’il tenait levée :

« Feu ! »

« Deux détonations se succédèrent. Duval que j’avais instruit sur la manière de faire, resta debout après avoir abaissé son arme. Sérac recula d’un pas, laissa tomber son pistolet et chancelant fut soutenu par le docteur Brindavoine qui s’était vivement avancé.

« J’allais à Duval à qui je pris le pistolet en lui demandant s’il était blessé.

« Non, dit-il, mais je pense que l’autre a reçu son compte, voyez s’il est fort mal ?

« J’allais au groupe Sérac, ce dernier renversé sur le sol était soutenu par le capitaine, le docteur Brindavoine ayant écarté le gilet du blessé fit voir que la chemise était teintée de sang. Le médecin examina la blessure puis se relevant il dit :

« Cela ne sera rien, la balle a glissé sur une côte ne laissant qu’une blessure insignifiante.

Le capitaine Raison, toujours solennel, dit :

« Messieurs, l’honneur est satisfait.

« Je fis signe à Duval qui s’avança vers Sérac qui lui tendit la main.

Monsieur, dit le blessé, que tout ceci ne soit considéré que comme un simple malentendu, donnez-moi la main.