Philias Duval m’attendait depuis assez longtemps dans une des galeries de l’Odéon et regardait d’un air distrait les volumes qui encombraient les rayons des libraires.
« Eh bien ! dit-il en m’apercevant, avez-vous arrangé quelque chose ?
« Oui, fis-je d’un air macabre, cela sera pour demain matin dans le bois de Saint-Cloud.
« Alors, je dois me battre ! s’écria-t-il en devenant tout pâle.
« Oui, dis-je d’une voix émue en lui serrant la main, l’honneur de la corporation de ceux qui font dans la pierre l’exige, Philias, vous ne pouvez reculer.
« Que l’yable la mène, la maudite corporation, j’vas pas m’faire démolir la bobine par c’t’esquimeau-là pour leur faire plaisir, « stacrêre » que j’suis pas fou pour me laisser « emmencher de même ».
« Cependant, lui dis-je, le monde a l’œil sur vous, toute la « Boucane » croira que vous avez eu peur et que votre courage recule par crainte de ce Sérac.
« Peur de ce freluquet-là, vous n’y pensez pas, s’écria Duval au comble de l’indignation.
« C’est ce que tous vont croire. Je sais, quant à moi, que vous ne craignez rien, que votre bravoure est à toute épreuve, mais je ne suis pas seul, hélas ! pas seul mêlé à cette affaire. Dans la « Boucane », Monsieur Duval, il y a des journalistes, des correspondants de grands journaux de Montréal et de Québec, et que penserait-on là-bas si on publiait que vous, Philias Duval, avez perdu l’esprit chevaleresque de vos ancêtres et n’êtes plus un vrai Canayen.
« Cela serait vrai, Monsieur Courtemanche, on penserait que je suis un Canayen de seconde main. Eh bien alors, on va voir, je vais lui conter cela, à la maudite petite chenille à poil, je vais l’écraser comme une punaise.
« Souvenez-vous, lui dis-je, que se croyant l’offensé il a le choix des armes.
« Ça, j’m’en moque par exemple, qu’il prenne « hanne hache », un tomahawk, un canon, du gaz asphyxiant comme les cochons de Prussiens, je lui montrerai tout de même ce que c’est qu’un p’tit Canayen-français.
« Je regardais Duval, continua Courtemanche, et je me demandais comment cela allait finir. Tu connais les Canayens aussi bien que moi, ami Pelquier, tu sais que souvent sous une rus-