Page:Jehin - Les aventures extraordinaires de deux canayens, 1918.djvu/15

Cette page a été validée par deux contributeurs.
15

ser de cet estimable crampon ? Je ne puis non plus l’évincer, c’est un compatriote après tout, un Canayen comme moi.

« Alors je lui donnais une foule d’indications et de détails sur la façon dont il devait s’y prendre pour visiter Paris. Je lui donnais des notes, un plan de la ville, et je lui dis de venir régulièrement me voir s’il était embarrassé, que je lui donnerais tous les renseignements nécessaires, mais que pour le moment mes occupations ne me permettaient pas de l’accompagner.

« Philias Duval fut bien un peu désappointé, mais il lui fallut faire contre mauvaise fortune bon cœur, et il me laissa en m’assurant qu’il reviendrait sous peu.

« En effet, deux jours plus tard, le brave homme revenait et je crus remarquer comme un nuage qui le troublait.

« Eh bien, Monsieur Duval, êtes-vous satisfait de vos excursions à travers la bonne ville de Paris ? Est-ce tel que vous vous la figuriez ? lui dis-je.

« Oui et non, fit-il en faisant une moue. Pour être une grosse place, c’est sans contredit une grosse place, les distances sont fort grandes, les coutumes un peu différentes de celles de chez nous, et les gens parfois singuliers.

« Ah ! vous trouvez ? lui dis-je. Voyons, contez-moi cela.

« Jugez par vous-même, dit Philias en s’asseyant et bourrant sa pipe. Figurez-vous qu’hier, fatigué, m’ayant été promener dans un parc qu’ils appellent le Bois de Boulogne, j’étais entré dans une espèce de jardin planté d’arbres, situé au bout d’une interminable avenue, et qu’ils nomment, je me suis laissé dire, les Champs Élysées ou quelque chose « de même ». Fatigué comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, je regardais autour de moi pour voir s’il n’y avait un banc ou quelque chose pour « massire » il y avait « ben » des bancs mais ils étaient tous occupés. Ce voyant, j’aperçus des chaises, il y en avait des « masses », et, chose singulière, il y en avait rien que quelques-unes d’occupées. Il paraît, que je me dis, que les gens de « par icitte » aiment mieux de « s’assire » sur les bancs que sur les chaises. Alors je pris une des chaises, je m’assis dessus et m’apprêtais à prendre ma pipe pour « tirer une touche », lorsqu’une grosse bonne femme vint à moi et me demanda deux cents.

« Deux cents ! que je lui dis. Pourquoi voulez-vous deux cents ?

« Pour votre chaise, « qu’elle » me répond.

« Comment pour « vot » chaise, vous ne me ferez pas « acrè-