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le cinq à sept de ces dames

sieur qui lui remboursera son chapeau ou sa robe, ce n’est pas davantage la midinette qui, comme à la Galette, vient demander à la valse ou à la mazurka bostonnées le dérivatif dont ont besoin ses jambes engourdies par l’inaction du jour, c’est la petite femme, pas assez fanatique de sa fonction de marchande d’amour pour lui consacrer une journée pleine, et pour qui toutes les amabilités des galants hommes rencontrés ne feront pas oublier d’aller retrouver l’ami chéri qui pompe son absinthe ou son amer-citron à l’endroit convenu. Il attend là, entre cinq et sept heures, à gauche en entrant, près du bar, à l’endroit désigné éloquemment « aquarium ». Il est avec des camarades qui, comme lui, ont leur amie à la Chaussée-d’Antin ou sur les boulevards, et il les guettent ensemble en devisant sur les malheurs du temps et la faillite des gros michés. Autrefois, quand on avait une compagne qui faisait le « truc », c’était le bien-être assuré, la fortune vite faite et la vieillesse garantie. Aujourd’hui, c’est toujours et sans cesse l’aléa. On soigne sa femme, on la ménage, on lui sert de valet de chambre et de cuisinière, on veille à ce qu’elle ne quitte pas la maison sans être irréprochable de la tête aux pieds, on lui fait des recommandations de père, on la suit de l’œil, et elle vous revient à la fin de la journée avec un bénéfice dérisoire, ou bredouille. Ah ! s’ils étaient femmes, il leur semble qu’ils réussiraient autrement, qu’ils varieraient leurs procédés, qu’ils seraient si forts et si malicieux que les goussets se videraient d’eux-mêmes et que tout

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