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échalote et ses amants

monde qui avait roulé plusieurs générations et, à travers les malédictions des dupés, sauvé son allure de grand d’Espagne, son indiscutable distinction et ce ton de protection qui est la voix même de l’aristocratie et la flûte qui fait obéir tous les moutons d’Arcadie, voire de Panurge. M. de Flibust-Pélago, comme tous les gens qui ont beaucoup vécu, savait des anecdotes qu’il racontait volontiers. Elles remontaient pour le moins à cinquante ans, c’est-à-dire à l’époque de sa jeunesse brillante et de ses succès dans les ambassades et aux Tuileries. Perpétuellement, comme Jean Réhu, l’académicien nonagénaire de Daudet, il répétait : « J’ai vu ça, moi, monsieur ! » Il avait vu la reine d’Angleterre à Boulogne, le mariage de l’empereur,
les premiers pas du petit prince, avait fréquenté Morny et M. de Musset, la princesse Mathilde et la famille Regnaud de Saint-Jean d’Angely. Cet homme était un volume complet de notre histoire de France. Il en récitait des pages tout en mâchant son bœuf bouilli ou son petit salé aux choux et quand il avait remué les légendes, les diamants de la couronne, la cassette particulière de Napoléon, les fortunes de la Cour, les milliards de la désastreuse indemnité et ses propres

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