Page:Jeanne Landre-Echalote et ses amants 1909.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.
le restaurant robinet

allait ravir au chœur des vierges actuelles un de ses plus fins échantillons. La liaison durait. Après une telle offrande et un tel holocauste, M. Lapaire avait des scrupules. Il eût été désolé de s’entendre reprocher une initiation que d’ailleurs, l’ayant devinée, il eût évitée à tout prix. Il gardait donc chez lui Mlle Barbe Perbec, dont les huit jours donnés aux herboristes avaient été des plus orageux (elle avait échangé des crêpages de chignons avec la patronne et lutté à mains plates sur un sac de tilleul avec le patron) et l’accompagnait chez Robinet où les clients ne manquaient pas de tourner à leur distraction la naïveté paysanne et l’ignorance quasi bestiale de la bretonnante odalisque. C’est ainsi que, pour l’avoir vu étudier pendant dix minutes et épeler, lettre par lettre, le menu entouré d’acajou de la maison et pour l’avoir entendu crier d’une voix de quartier-maître : « Une crème d’Ersigny ! » on l’avait immédiatement gratifiée du nom et du titre de duchesse d’Ersigny, hommage qu’elle avait accepté avec un rugissement de fauve, car elle le soupçonnait malveillant.

La duchesse d’Ersigny d’une part et les invitées, souvent changées, de M. Plusch d’autre part, donnaient à cette gargote une allure très pittoresque, accentuée encore par un fantastique pensionnaire, le chevalier de Flibust-Pélago, noble authentique chargé d’ans et de papier timbré, à la recherche vers son quinzième lustre, d’une situation sociale à se faire aux dépens des autres, homme d’affaires du

* 79 *