Page:Jeanne Landre-Echalote et ses amants 1909.djvu/68

Cette page a été validée par deux contributeurs.
échalote et ses amants

désertion à leurs concierges de parents ou à leurs bien-aimés clandestins, en profitent pour gobeloter en famille ou ne point quitter leur oreiller. Il en résulte un changement étrange dans Montmartre : plus rien ne subsiste de son aspect habituel. Les cafés sont pris d’assaut par les philistins et leur marmaille, les trottoirs sont encombrés de flâneurs incolores et laids. Sur la chaussée, des bicyclettes, surmontées de dames en culotte étroite et de pères de famille transbahutant leur dernier rejeton dans une corbeille d’osier, zigzaguent deux par deux et fendent l’air de leurs tonitruants cris d’alarme. C’est le triomphe de la bourgeoisie imbécile et encombrante, l’exhibition des gueules lymphatiques et constipées, l’apothéose des ronds-de-cuir et des chloroses.

M. Plusch, pour échapper à un tel spectacle, passait, comme les grues amoureuses, ses dimanches au lit et n’en sortait qu’à la tombée du jour au premier coup de sonnette de ses amis.

Ce dîner du dimanche n’avait d’autre but que d’autoriser quelques rigolos à fuir la foule goinfre et puante, envahisseuse des brasseries et des restaurants, en leur offrant un endroit tranquille et drôlement meublé où ils pourraient remplir leur panse sans ouïr les stupidités des mufles. Il ne pouvait, vu l’exiguïté du bureau de M. Plusch, transformé ce soir-là en salle à manger, réunir qu’un nombre limité de convives et, afin de ne pas se laisser assiéger par les indiscrets et les pique-assiettes, M. Plusch avait fait de ce repas une sorte de confrérie assez fermée.

* 60 *