les « pompons » et d’entretenir les cuites. Chaque jour il se perfectionnait dans ce sport du gosier et des taloches sous le nez. Au petit lever, il tuait le ver matinal, au déjeuner savourait les différents clos des épiceries de la rue des Abbesses, agrémentait ses après-midi de bitters et d’absinthes et, après le repas du soir, se livrait sans remords au rhum de la Jamaïque et aux grogs carabinés. Cette place de pipelet qui, en tant que bénéfices, valait une sous-préfecture, autorisait les soulographies fréquentes. De plus, les locataires habiles savaient comment séduire Plumage et lui glissaient, au moindre service rendu, des topettes de liqueur forte et de tord-boyaux. Malgré la surveillance de Blandine, qui s’entêtait à reconquérir la sobriété de son époux, celui-ci savait où cacher ses fioles pour les retrouver aux minutes assoiffées. Et chaque soir, que sa femme lui eût prêché la tempérance ou eût fermé les yeux sur ses descentes au sous-sol ou ses incursions dans les placards, Plumage déambulait dans les vignes du Seigneur, représentées, en l’occasion, par les escaliers A, B et C et les corridors du 14 de la rue Clémence.
Cet état d’ivrognerie chronique n’était pas sans amener des incidents fâcheux pour les locataires. Si les uns s’amusaient à multiplier les pièges dans lesquels devait tomber la tête tournante du père Plumage, les autres se plaignaient amèrement du manque de soin et de surveillance du bâtiment. Une guerre sourde divisait ainsi la maisonnée et deux camps s’étaient formés qui ne frayaient pas :