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échalote et ses amants

les avaient vite initiées à ce que l’école ne leur avait pas appris et, à la tombée du jour, en regagnant l’impasse Guelma où logeaient leurs parents, il leur plaisait, à leur tour, de se laisser suivre par les gratte-papier délivrés de leurs manches de lustrine et les calicots pommadés et farceurs. À quinze ans l’une sombrait dans les bras d’un employé de la Samaritaine, l’autre sur la poitrine d’un clerc d’huissier. Ces amours, bien qu’initiales, furent sans grands lendemains. Les générosités succinctes de leurs extirpeurs de derniers scrupules eussent pu attacher des bourgeoises mûres mais point des fillettes. Après l’hommage de quelques bouquets de violettes et l’offre de bijoux du genre « tout ce qu’il y a de mieux après l’imitation », les deux amoureuses manquèrent aux apéritifs de leurs amants, connurent des hommes mariés et, finalement, rompant avec leurs familles, se louèrent deux petits logements voisins dans un immeuble assez propret de la rocailleuse rue Tourlaque. Petit à petit, grâce aux profits de la voiture des quatre saisons, aux rencontres généreuses et à l’économie, les appartements se garnirent, d’abord de meubles essentiels, puis de tentures, enfin de gigolos coûteux mais dévoués. Cette béatitude dans le travail et la tendresse, fortifiée, certains soirs, de disputes âpres et de vagues coups de poing, dura plusieurs années, après lesquelles Échalote, ayant eu en partage un trop jeune protecteur, se le vit ravir par l’État qui l’enlaidit d’un uniforme et l’expédia, vu quelques peccadilles d’adolescence, dans l’un des

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