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échalote et ses amants

dangereux et, pour le moment, se levait tôt et accompagnait, par les rues montmartroises, Chouchon et sa voiture. Ce métier, d’ailleurs, avait ses surprises que Chouchon exploitait. Quand la course ne l’effrayait pas elle se rendait, toujours en poussant devant elle son éventaire, vers l’avenue de Wagram où, en vendant des fruits, des fleurs ou des légumes selon la saison, elle ne manquait pas de se faire remarquer par les promeneurs matinaux. Des regards échangés, deux mots en passant, un sourire, et on lui jetait des rendez-vous et des adresses. Cette seconde clientèle était d’un bon bénéfice et, quand elle avait récolté des occupations pour son après-midi et souvent même des arrhes destinés à lui donner confiance, les ménagères profitaient de sa camelote vite liquidée.

Échalote, en rupture de racolage public, usait à son tour de la garantie de la voiture à bras. Les deux amies, sous l’aspect de commerçantes vaillantes et braillardes, enflammaient les individus blasés sur les femmes élégantes et oisives, et il n’était pas rare que leur journée se terminât en des appartements suprêmement luxueux où des domestiques stylés avaient ordre de les introduire.

Là, les deux frangines reprenaient leur véritable état civil. Chouchon redevenait Eulalie Dupoton, tout simplement et, Échalote, Sophie Laquette. Si ces noms étaient sans prétention, leur roture même donnait confiance et il faisait bon, en ces temps de fiches et de délation, de se ménager des personnalités doubles et des pseudonymes.

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