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une présentation

Vêtue d’une robe de broderie anglaise, la taille sanglée d’une corde à sauter, chaussée de babies, coiffée d’un béret de toile cirée, les cheveux tombant en boucles soyeuses, elle avait ensorcelé des gentlemen. À côté de ses compagnes surmontant leurs corps de gamines d’une figure flétrie et mal étayée par le blanc gras, elle avait l’air d’une pensionnaire en vacances vicieuses. Il n’en fallait pas davantage pour dégourdir les jarrets goutteux et faire trotter les ataxiques. Sous l’égide d’une proxénète du quartier Bréda, dont l’odorat subtil flairait l’argousin sous le pardessus cotonneux et « le melon » à larges bords, Échalote avait connu de beaux jours, ou plutôt de belles nuits. Farceuse dans son boniment, elle poursuivait son mensonge en chambre close et, arguant de sa pureté maintenue, se tirait sans risque de maternité de ces intimités séniles ou curieuses. Cependant, une fois, un inconnu plus exigeant avait rechigné sur la somme à payer d’avance, incertain sur la valeur de la marchandise présentée. Après l’examen coutumier il avait formulé son opinion : « Je suis volé, tu n’es pas une petite fille, tu es une petite femme », ce à quoi Échalote, toujours munie de son esprit de repartie, avait objecté : « Eh bien, mon colon, estime-toi heureux, si j’étais une petite fille je te prie de croire qu’à l’heure qu’il est je t’en ferais chanter un air. »

N’importe, les coups de filet des agents des mœurs, presque chaque soir, ramassaient du gibier. Se sachant signalée, Échalote avait abandonné ce jeu

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