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échalote et ses amants

certains bonheurs conjugaux s’accommodent d’un adultère discret. Bon pour les bourgeois de s’émouvoir d’un geste plus ou moins folichon ! Bon pour les coupeurs de cheveux en quatre, comme ce Dutal, de crier au déshonneur pour un festin auquel on ne les convie pas ! Mais lui, Émile Plusch, roi des rigolos de Montmartre, président des Embêtés du Dimanche, qu’avait-il à faire dans ces sottises ?

Il raisonnait ainsi, après ses repas, tandis que la somnolence, compagne d’une digestion tranquille, embrumait ses idées. Et des rêves le hantaient musicalement. Échalote, revenue dans son rez-de-chaussée, comme à la première phase de leurs amours, lançait, dans la cuisine-lavatory où elle se livrait à ses ablutions, des refrains peuplés de vols d’hirondelles et d’invites à l’alcôve. Et l’écho enchanteur d’une voix chérie vibrait dans le tub et les cuvettes, et les nymphes et les satyres des robinets d’eau et des appareils à gaz s’animaient, s’étiraient, se tendaient la main pour une ronde lascive.

Parfois l’arrivée de M. Dutal, toujours avide de renseignements, venait l’arracher à ses songes ailés ; d’autres fois c’était l’irruption d’un quelconque Embêté qui, ne sachant comment tuer le temps, venait griller une cigarette et arrêter le menu des prochaines agapes. La conversation ne languissait pas longtemps sur des sujets politiques ou sociaux — le dernier drame sensationnel, la dernière prise de bec à la Chambre, l’impôt sur le revenu des autres — et Échalote, éternel sujet de discussions, faisait

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