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le rédempteur

— Je me souviens, — fit le père, — d’une opérette où un gazier, en venant réparer le compteur d’une modiste, proposait son cœur à toutes les employées. Il ajoutait, pour corser le présent : « Et puis, vous savez, je suis un homme qui épouse, moi. » Je ne me doutais pas que mon fils ressemblerait à ce pauvre imbécile.

— Merci, — clama Adhémar.

— Il n’y a pas de quoi.

La discussion s’envenima.

— Mais, enfin, mon père, — objecta l’amoureux, — comment pouvez-vous vilipender une enfant privée jusqu’ici de conseils et chez qui peuvent germer les meilleurs principes et les plus belles résolutions ?

— Tu bafouilles, — répondit l’interpellé, — les principes qui germent ne vont pas éclore dans les bouis-bouis et les belles résolutions ne vont pas s’échouer au beuglant.

— Et si l’innocente s’y est laissée pousser malgré elle ?

— Une innocente qui chante des cochonneries ne me dit rien qui vaille.

— Pourtant, il faut manger…

— Il est un pain empoisonné que les êtres sains repoussent.

Adhémar s’emballa :

— Est-ce leur faute à eux, s’ils n’ont eu des ascendants assez intelligents ou assez retors pour leur permettre une vie d’oisiveté !

— Brisons là, — ordonna le père, digne comme un

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