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instinctivement chaque fois qu’un être plus jeune que lui disparaissait. En cette occasion il trouva des condoléances où ses regrets personnels mettaient leurs soupirs. Toutefois, il ne savait pas, jusqu’ici, à quelle cause attribuer cette attristante visite. Il pensait à un « tapage » pour la tombe. Décidé à faire honneur au souvenir de la pauvrette il se fût exécuté. Soudain, l’homme avait accéléré le mouvement rotatif de la casquette qu’il gardait entre ses mains, puis il avait parlé. Ce qu’ils désiraient, lui et sa femme, c’était un portrait de l’enfant disparue. Ils n’avaient rien d’elle, pas même une épreuve de baraque foraine ou sa silhouette dans un groupe scolaire. Nini-Tutu, qui était bavarde, les mettait au courant de ses aventures ; ils n’ignoraient pas son passage chez M. Lapaire et savaient de quelle manière celui-ci utilisait ses loisirs. Alors, tout simplement, tout timidement, ils venaient lui demander une épreuve photographique de leur fille : celle qu’il voudrait pourvu qu’on la reconnût. On juge de la gêne de M. Lapaire devant une telle sollicitation. Il n’avait fait poser Nini-Tutu qu’en nymphe, car il méprisait les vêtements qui changent de mode et les corsets qui déforment les torses juvéniles. Dans l’impossibilité où il était de se dérober à la prière de ces vieilles gens, il leur exposa ses sentiments artistiques et leurs nécessités afférentes. Il les trouva disposés à tout comprendre, à condition qu’on leur remît l’image de leur morte bien-aimée. Alors M. Lapaire, élevant le bras vers une panoplie de nudités de toutes envergures, y avait

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