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le retour de l’homme prodigue

photographier les femmes et de collectionner leurs effigies dorsales, lombaires et autres. C’était une des attractions de son appartement comme, chez M. Plusch, les objets d’art profane de la cuisine. Cependant, il ne savait pas que son renom d’amateur d’images charnues dépassait la périphérie où il évoluait en compagnie de ses modèles. Il venait d’avoir la preuve de la presque universalité de sa réputation. La veille, au matin, un coup de sonnette l’avait arraché, en même temps que des bras de Morphée, de ceux d’un sujet de la veille. Vêtu d’un pyjama il était allé ouvrir et avait eu à introduire un couple de gens bizarres : une femme voilée de crêpe et un homme au bourgeron de charpentier. Ils s’annoncèrent comme les parents d’Ernestine Béjot, débarqués à la minute même de Pantin. Ce nom ne lui rappelant rien, M. Lapaire avait demandé d’autres explications et savait maintenant qu’Ernestine Béjot et Mlle Nini-Tutu, ex-habituée de la Galette, ne faisaient qu’une et même trottinette, ronde comme une mandarine et futée comme un musaraigne. Il avait chéri (autant que les exigences de son objectif l’y autorisaient) cette Nini-Tutu, or, les deux inconnus, les larmes aux yeux et des sanglots dans la gorge, venaient lui apprendre qu’elle était morte. Imprudente oiselle, elle avait semé ses plumes aux vents de tous les moulins dansants puis, vaincue par les éléments et les poumons détruits, était allée offrir son dernier soupir à sa banlieue natale. M. Lapaire, très compatible à la peine des autres, souffrait

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