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échalote et ses amants

Léa ne valait pas quarante sous et pourtant elle en dépensait dix fois plus chez sa logeuse et dans les caboulots. M. Dutal, volontiers, lui eût offert quelque monnaie pour les suivre, Échalote et lui. Subjectivement, il estimait qu’elle méritait tout au plus les honneurs du pied, mais objectivement, quand on avait une petite camarade à lui offrir, elle valait le spectacle. Échalote, il le déplorait, ne condescendait pas à ces pourparlers, non point qu’ils lui répugnassent outre mesure, mais elle prétendait que l’argent gaspillé en ces marchés était mieux placé dans sa poche. Il est des vertus dues à l’économie et des achats de conduite destinés à la caisse d’épargne.

Toutefois il eût été faux d’attribuer à M. Dutal des vices si compliqués qu’il convient de se mettre à plusieurs pour les satisfaire. Altruiste, il eût aimé multiplier les moyens de bonheur de sa compagne et comme le truc du mal de ventre, de nouveau employé, le contraignait à une chasteté relative, ses invites à Léa ne devaient être inscrites qu’au bilan de son grand cœur. Sa tendresse présente avait d’ailleurs, à l’instar des sentiments de M. Plusch, quelque chose de paternel. Il ne concevait pas, vis-à-vis d’Échalote, une de ces passions vulgaires d’où l’aimée peut ressortir bossuée et anémique, mais plutôt une affection vaillante et protectrice. Ainsi il lui réapprenait sa prière du soir, lui donnait des leçons d’arithmétique, lui coupait sa viande à table, lui prenait la main pour traverser les rues et rêvait

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