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échalote et ses amants

rets des bars, ceux-ci les attendaient le verre en main et la plaisanterie aux lèvres. C’était l’heure douce où l’on calcule, d’après la température, le bénéfice du commerce d’amour. Chacun sait, pour l’expérimenter en lui-même, qu’avec le soleil la sève bouillonne. Le rentier, émoustillé, aura su où passer son temps et, sur les trottoirs, le gibier, musard, se sera laissé prendre. Les femmes sont exubérantes, leurs amis sont satisfaits. On se retrouve avec joie pour arroser, d’un madère ou d’une absinthe, la bonne fortune.

Échalote et Victor saluèrent des groupes, échangèrent quelques propos de circonstance.

— Ça va les « business ? »

— Tu parles, on n’savait pas où donner de la tête chez Angèle.

— La Chaussée d’Antin est pleine d’English. En deux heures on fait sa journée.

— De la poigne, et courage ! — lança Échalote tout en entraînant Victor.

La vue de ces gens l’indisposait.

— Tu ne saurais croire, — déclara-t-elle, quand ils eurent atteint la place Blanche, — jusqu’à quel point les grues me dégoûtent.

Victor se cramponna à un bec de gaz.

— Ne rigole pas, — fit-elle, — j’étais née pour être artiste, je le sens bien. Pour ce qui est de coucher avec un poilu quelconque, j’ai le cœur feignant.