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échalote et ses amants

Échalote, qui les connaissait de longue date, crut politique, au début d’une époque où il lui faudrait se ménager un public, de joindre sa voix à leur chœur de revendications érotiques. Bien que tranquille sur la question vitale, il ne lui déplaisait pas, en a parte, de vilipender les hommes. Plus avantagée que ses camarades, n’ayant ni le tour de rein dans l’œil de Nini-la-moche, ni les écrouelles de Lucie-aux-poux, ni la claudication de la môme Tirelire, elle se croyait belle de tout l’éclat de son talent révélé, de ses yeux de ciel et de ses quenottes intactes. Elle ne pensait plus à l’ossature exagérée de sa figure qui, aux heures de fatigue, révélait atrocement la tête squelettique sous les chairs minces. Ragote élevée à la dignité de courtisane, elle se croyait jolie et parfois, aux minutes de ses éclats de rire, ne se trompait pas. Aussi s’arrogeait-elle le droit de critiquer et de juger ses confrères.

— C’est votre faute si vous battez la dèche. Quand vous avez le boyau de la rigolade en l’air, tous les michetons vous z’yeuxteraient que ce serait peau de balle et son ami balai de crin. Vous vous laissez prendre vos places par un tas de vieilles grognasses qui n’ont pas la flemme. Sapristi de sapristi, s’il n’y avait que vous pour maintenir le commerce, on pourrait mettre les voiles vers le suicide. Sans compter que nous avons maintenant la concurrence des tatas et que les richards vidés sont disposés en leur faveur.

— Bah ! — fit Nini-la-moche, — si c’est par là qu’ils s’amusent !

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