Page:Jeanne Landre-Echalote et ses amants 1909.djvu/130

Cette page a été validée par deux contributeurs.
échalote et ses amants

pas une soirée à La Galette. C’était sa vie de monter, trois fois par semaine, s’y dégourdir les membres, comme, d’autres jours, il allait aux bains de vapeur et chez son pédicure. Une jeunesse tenace, malgré la cinquantaine, lui permettait de ramener des inconnues, tout comme M. Plusch, mais non point seulement pour leur montrer sa cuisine, leur raconter des gaudrioles et leur faire nettoyer ses meubles. C’était à cet endroit d’harmonie tapageuse et d’amour échevelé qu’il était redevable de la plupart de ses bonnes fortunes et c’était en y conduisant ses conquêtes de la rue qu’il avait pu, dans la houle des danseurs, leur arracher la promesse définitive d’aller se faire photographier chez lui. Il opérait au petit lever et, pour bien faire, le modèle devait passer la nuit dans ses bras. C’était après un cours d’esthétique semblable qu’il avait décidé Mme d’Ersigny à rompre avec l’herboristerie et, depuis, pour lui inculquer de plus en plus les notions mondaines de la Parisienne, il tentait de la déshabituer des sons du biniou au profit des flons-flons des ophicléides et des rossignolades des clarinettes.

Cette femme, surtout, effrayait Victor. Raisonnable et chafouin il devinait que M. Lapaire, même s’il découvrait leur manège, le garderait pour lui. Par contre, il convenait d’éviter la Bretonne. L’œil des paysans, qui ne voit pas le fumier tombé dans leur assiette, jouit d’une perspicacité étonnante pour découvrir les malpropretés des esprits. Ceci, allié à leur tendance au bavardage, contraint le monde civi-

* 122 *