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une vocation

Tant de laisser-aller stupéfiait M. de Flibust-Pélago qui, toujours à ses comparaisons et à ses parallèles, éprouvait le besoin de monologuer sur les femmes actuelles.

— Certes, — déclarait-il, — la gourmandise et les planches ont toujours été l’apanage des courtisanes, pourtant il convient de limiter les appétits et le cabotinage, de cataloguer les échantillons et les modèles. Mmes Échalote et d’Ersigny sont d’un modernisme déplorable. Indignes l’une et l’autre d’être élevées au rang des prêtresses de Vénus, sans vocation, sans feu sacré, elles nous déconcertent. Que de grâces perdues depuis l’empire ! J’ai vu, moi, Mlle Schneider accepter, d’une princesse russe un peu déclassée, un match de champagne. C’était au grand 16 du café Anglais et elles n’utilisaient que du cliquot. J’ai entendu Cora Pearl, les ailes au dos, dire dans Orphée aux Enfers : « Ye souis Kioupidon » et j’ai deviné l’instant où le public de l’amphithéâtre allait lui jeter les épluchures de ses oranges. Et pourtant, en sablant exagérément le champagne comme en arborant des maillots collants, elles étaient lionnes en diable et avaient une divine allure. Ah ! c’était le bon temps de la cascade à crinolines et à mitaines. Les hommes portaient merveilleusement l’habit noir, les femmes savaient la révérence. On était viveur par amour des belles et celles-ci ne se faisaient point cocodettes par besoin, sinon par besoin d’aimer ! Elles refusaient les millions d’un banquier pour les violettes d’un prince de sang et chérissaient

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