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grandes faintes et bourdes controuvées, duquel le commencement est tout faulx et plain de menchongnes jusques au commencement de la guerre que ledit roy emprit contre le roy Philippe de France. Et de là en avant peut avoir assez de substance de verité et assez de bourdes, et sy y a grand plenté de parolles controuvées et de redictes pour embelir la rime, et grand foison de si grands proesses racontées sur aucuns chevaliers et aucunes personnes qu’elles debveroient sembler mal creables et ainsy comme impossibles ; par quoy telle hystoire ainsy rimée par telz controuveurs pourroit sembler mal plaisant et mal aggreable à gens de raison et d’entendement. Car on pourroit bien attribuer, par telles parolles si desmesurées, sur aucuns chevaliers ou escuiers proesses si oultrageuses que leur vaillance en pourroit estre abessée, car leurs vrais fais en seroient mains creus, de quoy ce seroit dommage pour eulx, pourquoy on doibt parler le plus à point que on pœut et au plus prez de la verité. Car l’istoire est si noble, ce m’est advis, et de si gentile proesse, qu’elle est bien digne et merite d’estre mise en escript pour le en mémoire retenir au plus prez de la verité, s’il estoit qui bien le sceust et voulsist mielx faire de moy. Et sy y sont tant avenues d’aventures notables et perilleuses et tant de batailles arrengées et d’autres faitz d’armes et proesses puis l’an de grace mil CCC et XXVI que ce gentil roy fut couronné en Engleterre, que il et tous ceulx qui ont esté avecq luy en toutes ces batailles et aventures, ou avecques ses gens là ou n’a pas esté en sa propre personne, comme vous pourrez cy aprez ouir, doibvent bien estre tenus et reputez pour prœus, combien qu’il y en ait