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xxij INTRODUCTION.

Page 271 , rapportant que le comte de Montfort fut mis en prison au Louvre, à Paris « où il moru », il ajoute : « Comme on m’a dit ; se je mesprens, si me soit pardonné. » On peut se rendre compte aussi, en le lisant, qu’un grand nombre des épisodes qu’il narre sont vécus et qu’il n’eût pu donner tous ces détails avec tant de précision s’il ne les avait vus ou entendu raconter de la bouche de ceux mêmes qui prirent part à tous ces événements. Cependant, s’il rapporte fidèlement ce que des témoins dignes de foi lui ont affirmé, cela ne veut pas dire qu’il accepte tout, et nous voyons qu’en plusieurs circonstances il préfère se taire que de consigner dans ses chroniques des choses peu croyables. Ainsi, tome II, page 10, parlant des secours qu’Edouard III envoya pendant l’été de 1342 à la comtesse de Montfort, il dit, après les avoir fait embarquer : « Je ne sçay pas dire toutes les aventures qui leur sourvindrent, car je n’y fus pas, et ceulx qui m’en ont raconté m’en ont dit en tant de diverses manières que je ne m’en sçay à quoy tenir de la vérité. J’ay trouvé en ung livre rimé que ung jongleur a fait tant de bourdes et de menteries que je ne les oseroie dire. »

Cette méfiance à l’égard de ce « livre rimé » se traduit encore plus loin*, à propos des convocations d’hommes d’armes faites par Philippe VI pour soutenir son neveu Charles de Blois et empêcher le roi d’Angleterre d’envahir la France. Les témoignages lui firent probablement défaut sur ce qu’accomplirent ces armées ainsi réunies. Il eût pu, à la vérité, y suppléer à l’aide des « romans rimes » et donner ainsi quelques chapitres de plus, sans doute intéressants ; mais il aime mieux s’arrêter que de raconter des faits suspects. « Je ne m’ose plus avant entremettre de conter com- 1. T. II, p. 21.