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INTRODUCTION.

Un siècle plus tard, Jules Quicherat, adoptant sans réserve l’opinion émise par l’abbé Lebeuf, excommuniait à son tour la malheureuse Chronique, qui, suivant son expression, n’avait de scandaleux que le sans-gêne avec lequel son rédacteur avait pillé l’œuvre d’autrui. La Chronique était une copie de la Chronique officielle de Louis XI, non pas, comme l’avait cru Lebeuf, de celle rédigée par Jean Castel, abbé de Saint-Maur, car Jean Castel n’aurait laissé que des notes, mais une simple copie de la relation composée sur ces notes par un moine de Saint-Denis, Mathieu Lebrun, qui, succédant à Castel en 1476, ne prit pas la peine de classer correctement les papiers laissés par son prédécesseur, et commit au moins une « bévue » chronologique si forte qu’elle suffit à marquer le peu de valeur historique de l’œuvre tout entière. Nous n’insisterions pas sur la preuve soi-disant décisive apportée par Quicherat contre l’autorité de la Chronique qu’il attribue à Lebrun et, par conséquent, contre celle de la Scandaleuse, s’il ne s’agissait pas d’opposer à sa thèse une opinion toute contraire, mais à l’accusateur incombe la preuve ; si cette preuve fait défaut, l’accusation doit tomber d’elle-même, et notre Chronique, quelle que soit son origine, ne mérite pas le dédain dont on l’a accablée.

Donc, voici ce que narre la Chronique : Le samedi matin 14 mars 1472 (v. st.), Louis XI partit du Plessis-lès-Tours, « à privée compaignie, » pour s’en aller à Bordeaux et à Bayonne, et, afin de ne point être suivi, il fit tenir toutes les portes de Tours fermées jusqu’à dix heures, rompit un pont par où il avait passé et donna ordre à M. de Gaucourt, capitaine des gentilshommes de sa maison, de demeurer en arrière afin de veiller à ce que personne n’allât après lui[1].

  1. Ci-après, à la date.