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Scène V.

Les mêmes, VALÉRIE, CAMILLE, MARCELLE, OCTAVE, SERGESTE, LENTULE, ALBIN, DIOCLÉTIEN, MAXIMIN, Gardes.
(Tous les Comédiens se mettent à genoux.)
VALÉRIE, à Dioclétien.

Si, quand pour moi le ciel épuise ses bienfaits,
Quand son œil provident rit à tous nos souhaits,
J’ose encor espérer que dans cette allégresse
Vous souffriez à mon sexe un acte de foiblesse,
Permettez-moi, seigneur, de rendre à vos genoux
Ces gens qu’en Genest seul vous sacrifiez tous :
Tous ont aversion pour la loi qu’il embrasse,
Tous savent que son crime est indigne de grâce ;
Mais il est à leur vie un si puissant secours,
Qu’ils la perdront du coup qui tranchera ses jours.
M’exauçant, de leur chef vous détournez vos armes ;
Je n’ai pu dénier cet office à leurs larmes,
Où je n’ose insister si ma témérité,
Demande une injustice à votre majesté.

DIOCLÉTIEN.

Je sais que la pitié plutôt que l’injustice,
Vous a fait embrasser ce pitoyable office,
Et dans tout cœur bien né tiens la compassion
Pour les ennemis même une juste action ;
Mais où l’irrévérence et l’orgueil manifeste
Joint l’intérêt d’état, à l’intérêt céleste,
Le plaindre est, au mépris de notre autorité,
Exercer la pitié contre la piété ;