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Sont pour eux des tributs de devoir et d’amour,
Où le ciel nous oblige en nous donnant le jour ;
Comme aussi j’ai toujours, depuis que je respire,
Fait des vœux pour leur gloire et pour l’heur de l’Empire :
Mais où je vois s’agir de l’intérêt d’un Dieu
Bien plus grand dans le ciel qu’ils ne sont en ce lieu ;
De tous les empereurs l’empereur et le maître,
Qui seul me peut sauver comme il m’a donné l’être,
Je soumets justement leur trône à ses autels,
Et contre son honneur ne dois rien aux mortels.
Si mépriser leurs dieux est leur être rebelle,
Croyez avec raison je leur suis infidèle,
Et que loin d’excuser cette infidélité,
C’est un crime innocent dont je fais vanité.
Vous verrez si ces dieux de métal et de pierre
Seront puissans au ciel comme on les croit en terre ;
Et s’ils vous sauveront de la juste fureur
D’un Dieu dont la créance y passe pour erreur :
Et lors ces malheureux, ces opprobres des villes,
Ces femmes, ces enfans et ces gens inutiles,
Les sectateurs enfin de ce crucifié,
Vous diront si sans cause ils l’ont déifié.
Ta grâce peut, Seigneur, détourner ce présage.
Mais hélas ! tous l’ayant, tous n’en ont pas l’usage ;
De tant de conviés bien peu suivent tes pas,
Et pour être appelés, tous ne répondent pas.

MARCELLE.

Cruel, puisqu’à ce point cette erreur te possède,
Que ton aveuglement est un mal sans remède,
Trompant au moins César, apaise son courroux,
Et si ce n’est pour toi, conserve-toi pour nous.