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ADRIEN.

Enfin je reconnois, ma chère Natalie,
Que je dois mon salut au saint nœud qui nous lie.
Permets-moi toutefois de me plaindre à mon tour :
Me voyant te chérir d’une si tendre amour,
Y pouvois-tu répondre et me tenir cachée
Cette céleste ardeur dont Dieu t’avoit touchée ?
Peux-tu sans t’émouvoir avoir vu ton époux,
Contre tant d’innocens exercer son courroux ?

NATALIE.

Sans m’émouvoir ! Hélas ! le ciel sait si tes armes
Versoient jamais de sang sans me tirer des larmes.
Je m’en émus assez ; mais eussé-je espéré
De réprimer la soif d’un lion altéré,
De contenir un fleuve inondant une terre,
Et d’arrêter dans l’air la chute d’un tonnerre ?
J’ai failli toutefois, j’ai dû parer tes coups ;
Ma crainte fut coupable autant que ton courroux.
Partageons donc la peine aussi-bien que les crimes :
Si ces fers te sont dus, ils me sont légitimes ;
Tous deux dignes de mort, et tous deux résolus,
Puisque nous voici joints, ne nous séparons plus ;
Qu’aucun temps, qu’aucun lieu, jamais ne nous divisent :
Un supplice, un cachot, un juge, nous suffisent.

ADRIEN.

Par un ordre céleste, aux mortels inconnu,
Chacun part de ce lieu quand son temps est venu ;
Suis cet ordre sacré que rien ne doit confondre ;
Lorsque Dieu nous appelle, il est temps de répondre ;
Ne pouvant avoir part en ce combat fameux,
Si mon cœur au besoin ne répond à mes vœux,