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Mais de quoi des chrétiens j’ai reconnu le Dieu,
Et dit à vos autels un éternel adieu.
Je l’ai dit, je le dis, et trop tard pour ma gloire,
Puisqu’enfin je n’ai cru qu’étant forcé de croire ;
Qu’après les avoir vus, d’un visage serein,
Pousser des chants aux cieux dans des taureaux d’airain ;
D’un souffle, d’un regard jeter vos dieux par terre,
Et l’argile et le bois, s’en briser comme verre.
Je les ai combattus : ces effets m’ont vaincu ;
J’ai reconnu par eux l’erreur où j’ai vécu ;
J’ai vu la vérité, je la suis, je l’embrasse ;
Et si César prétend par force, par menace,
Par offres, par conseil, ou par allèchement,
Et toi, ni par soupirs, ni par embrassemens,
Ébranler une foi si ferme et si constante,
Tous deux vous vous flattez d’une inutile attente.
Reprends sur ta franchise un empire absolu ;
Que le nœud qui nous joint demeure résolu ;
Veuve dès à présent, par ma mort prononcée,
Sur un plus digne objet adresse ta pensée ;
Ta jeunesse, tes biens, ta vertu, ta beauté,
Te feront mieux trouver que ce qui t’est ôté.
Adieu : pourquoi, cruelle à de si belles choses,
Noyes-tu de tes pleurs ces œillets et ces roses ?
Bientôt, bientôt le sort, qui t’ôte ton époux,
Te fera respirer sous un hymen plus doux.
Que fais-tu ? tu me suis ! quoi ! tu m’aimes encore ?
Oh ! si de mon désir l’effet pouvait éclore !
Ma sœur, c’est le seul nom dont je te puis nommer,
Que sous de douces lois nous nous pourrions aimer !
Tu saurois que la mort par qui l’âme est ravie,
Est la fin de la mort, plutôt que de la vie ;