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(Il répète ces quatre vers.)
» J’ai vu, ciel, tu le sais par le nombre des âmes
» Que j’osai t’envoyer par des chemins de flammes,
» Dessus les grils ardens et dedans les taureaux,
» Chanter les condamnés, et trembler les bourreaux. »
Dieux, prenez contre moi ma défense et la vôtre ;
D’effet comme de nom je me trouve être un autre ;
Je feins moins Adrien que je ne le deviens,
Et prends avec son nom des sentiments chrétiens ;
Je sais, pour l’éprouver, que par un long étude
L’art de nous transformer nous passe en habitude ;
Mais il semble qu’ici des vérités sans fard,
Passent et l’habitude et la force de l’art,
Et que Christ me propose une gloire éternelle
Contre qui ma défense est vaine et criminelle ;
J’ai pour suspects vos noms de dieux et d’immortels ;
Je répugne aux respects qu’on rend à vos autels ;
Mon esprit, à vos lois secrètement rebelle,
En conçoit un mépris qui fait mourir son zèle ;
Et, comme de profane enfin sanctifié,
Semble se déclarer pour un crucifié.
Mais où va ma pensée, et par quel privilége
Presque insensiblement passé-je au sacrilége,
Et du pouvoir des dieux perds-je le souvenir ?
Il s’agit d’imiter, et non de devenir.

(Le ciel s’ouvre.)
UNE VOIX.

Poursuis, Genest, ton personnage,
Tu n’imiteras point en vain ;
Ton salut ne dépend que d’un peu de courage,
Et Dieu t’y prêtera la main.