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Il plaint autant que nous, le sort qu'il a fini,

Et par son propre crime, il est assez puni ;

La piété qui fera révoquer son supplice,

N'est pas moins la vertu d'un roi que la justice ; [1670]

Avec moins de fureur, vous lui serez plus doux,

La justice est souvent, le masque du courroux ;

Et l'on imputera cet arrêt si sévère

Moins au devoir d'un roi, qu'à la fureur d'un père ;

Un murmure public, condamne cet arrêt, [1675]

La nature vous parle, et Cassandre se tait ;

La rencontre du prince, en ce lieu, non prévue,

L'intérêt de l'État, et mes pleurs l'ont vaincue ;

Son ennui si profond, n'a su nous résister,

Un fils, enfin, n'a plus, qu'un père à surmonter. [1680]

CASSANDRE

Je revenais, Seigneur, demander son supplice,

Et de ce noble effort, presser votre justice ;

Mon coeur impatient, d'attendre son trépas,

Accusait chaque instant, qui ne me vengeait pas ;

Mais, je ne puis juger, par quel effet contraire, [1685]

Sa rencontre, en ce coeur, a fait taire son frère ;

Ses fers, ont combattu, le vif ressentiment,

Que je dois malheureuse, au sang de mon amant ;

Et quoique tant meurtrie, mon âme encore l'adore,

Les plaintes, les raisons, les pleurs de Théodore, [1690]

Le murmure du peuple, et de l'état entier,

Qui contre mon parti, soutient son héritier,

Et condamne l'arrêt, dont ma douleur vous presse,

Suspendent en mon sein, cette ardeur vengeresse ;

Et me la font, enfin passer pour attentat, [1695]

Contre le bien public, et le chef de l'État,

Je me tais, donc, Seigneur, disposez de la vie,